Dénoncer un emploi fictif n’est pas un motif de licenciement


L’actualité récente nous rappelle l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt de la Cour de Cassation du 29 septembre 2010 (n° 09-41544). Dans cette affaire, la salariée, collaboratrice d’un député, avait dénoncé au procureur de la république le caractère fictif de l’emploi occupé par la fille de son employeur au sein de sa permanence parlementaire. Le député, considérant que cette initiative constituait une faute grave, licencia la délatrice.

La plainte contre le député fut classée sans suite au motif que l’infraction n’était pas caractérisée mais, pour autant, les juges du contrat de travail ont considéré que le licenciement de la collaboratrice n’était pas justifié.

La Cour de Cassation a posé en effet le principe que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute ».

Et, appliquant ce principe au cas qui leur était soumis, les juges ont retenu que « L’employeur avait établi une attestation destinée à l’Assedic mentionnant inexactement qu’il employait sa fille ; qu’il résultait des procès-verbaux d’enquête que celle-ci n’avait exercé aucune activité au profit de son père ; que les sommes payées à titre de salaire pour cette prétendue activité, d’abord versées sur son compte bancaire, avaient été transférées sur celui du père et que les bulletins de paie correspondants avaient été envoyés à une adresse à laquelle seul ce dernier pouvait accéder ; qu’ainsi, les faits dénoncés par la salariée n’étaient pas mensongers et que, peu important la décision de classement sans suite, la salariée n’avait commis aucune faute en les lui révélant ».

Cette solution peut aujourd’hui s’inscrire dans le cadre du nouvel article L.1132-3-3 du code du travail issu de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, qui institue une protection spécifique en faveur des « lanceurs d’alerte », ces salariés qui dénoncent, de bonne foi et de manière désintéressée, des faits constatés dans l’entreprise, constitutifs notamment d’un manquement grave à la loi, d’un crime ou délit.

A noter que pour bénéficier de « l’immunité » et pouvoir ainsi remettre en cause son licenciement, le lanceur d’alerte doit être « désintéressé » et « de bonne foi », deux conditions qui devront être appréciées par le tribunal au cas par cas et qui promettent d’intéressants débats judiciaires…

Me Manuel Dambrin


20 mars 2017