Assurances : gare à la prescription !


« Toutes les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance ». Cette disposition de l’article L114-1 du Code des assurances, souvent méconnue des assurés, peut parfois se révéler pour eux lourdes de conséquences.

Pour résumer simplement, si l’assureur n’a pas versé l’indemnité dans le délai de deux ans suivant la date du sinistre, l’assuré ne pourra en principe plus s’en prévaloir et en réclamer le paiement en justice.

Nombreux sont ceux qui se laissent piéger par ces subtilités procédurales, les compagnies d’assurances cherchant souvent à retarder au maximum le moment du versement de l’indemnité, dans l’espoir de voir la prescription acquise et ainsi se décharger en toute légalité de leurs obligations contractuelles.

Toutefois, il existe un tempérament à ce principe, exposé à l’article L114-2 du code précité, qui prévoit que cette prescription peut être interrompue, notamment, par « l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité ».

En droit, l’interruption de la prescription permet de réinitialiser la course du délai de prescription, c’est-à-dire, dans l’hypothèse qui nous concerne, permettre le redémarrage du délai de deux ans.

Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation est assez restrictive et impose un contenu spécifique à cette lettre recommandée pour pouvoir la considérer comme une cause d’interruption de la prescription.

Ainsi, pour la haute juridiction, les juges du fond ne peuvent simplement se contenter de constater l’existence d’un courrier recommandé adressé par l’assuré à l’assureur, sans « analyser les termes de cette lettre » pour s’assurer qu’elle concerne bien le règlement de l’indemnité, au sens de l’article L114-2. (Cass., 3e civ., 14 mars 2012, n°11-11.313)

Que doit donc comporter cette lettre recommandée pour que la prescription soit à coup sûr interrompue ?

La jurisprudence est claire à ce sujet et exige que celle-ci « réclame à l’assureur l’exécution de sa garantie au titre des conséquences du sinistre », en un mot : le paiement de l’indemnité réparatrice du dommage subi. (Cass., 3e civ., 17 juin 2009, n°08-14.104)

Les juges du fond apprécieront strictement cette condition, et rechercheront si la lettre recommandée « demande clairement le règlement de l’indemnité ». (CA Paris, 4 juin 2014, n°10/10232)

A l’inverse, une lettre recommandée qui se contenterait par exemple de réclamer à l’assureur la communication de documents en vue d’une analyse préalable à une possible action future, ne saurait interrompre la prescription. (Cass., 2e civ., 9 février 2012, n°10-20.357)

Il est donc recommandé à l’assuré, lorsque la compagnie d’assurances tarde à verser l’indemnité contractuellement due, de lui adresser régulièrement une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, réclamant très clairement le paiement de l’indemnité, même si celle-ci n’est pas suivie d’effet, afin, à tout le moins, de ne pas fermer la porte à une éventuelle procédure judicaire.

Me Xavier Chabeuf et Monsieur Hugo Tanguy (élève avocat)


01 mars 2015