Agresser des collègues n’est pas forcément une faute


C’est ce qu’enseigne la décision rendue le 3 juillet 2013 par le Conseil d’État (N°349496 : CE_3_juillet_2013). Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, un salarié a été licencié pour faute en raison de son comportement agressif et des violences commises à l’encontre de son supérieur.

Pour refuser d’autoriser le licenciement (s’agissant d’un délégué syndical, son licenciement était soumis à autorisation administrative), le juge s’est fondé sur une expertise médicale établissant que l’intéressé était atteint de troubles psychiques et prenait des médicaments, lesquels auraient entrainé une addiction et auraient eu pour effet secondaire une altération de son état de conscience et une désinhibition du comportement.

Les juges ont considéré que les violences reprochées étaient « la conséquences d’un état pathologique ou d’un handicap de l’intéressé ».

Or, si les violences d’un salarié sur son lieu de travail sont passibles de sanctions disciplinaires, l’employeur ne peut en revanche ni sanctionner ni licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap (article L.1132-1 du Code du travail :  art__L_1232_1). Un tel le licenciement serait discriminatoire.

Aussi bien, dès lors qu’il existait un lien de causalité entre les faits reprochés (violences) et l’état pathologique de l’intéressé (état de santé), le licenciement était exclu.

Et le Conseil d’État d’énoncer que « lorsqu’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé [délégué syndical] est motivée par un comportement jugé fautif, elle ne peut être légalement accordée si les faits reprochés sont la conséquence d’un état pathologique ou d’un handicap de l’intéressé ».

Il est donc vivement conseillé aux salariés de se munir d’une prescription médicale avant de lever la main sur leurs collègues, et aux employeurs d’user avec discernement du pouvoir disciplinaire.

Me Manuel Dambrin


10 mars 2014