Préjudice nécessaire en droit du travail : quand la faute suffit !


L’un des fondements du droit commun de la responsabilité est que pour obtenir une indemnisation, il faut prouver trois éléments essentiels :

Une faute : c’est-à-dire un comportement illégal ou abusif.

Un préjudice : un dommage concret, matériel ou moral.

Un lien de causalité : il faut que le dommage soit directement causé par la faute.

Ainsi, si quelqu’un vous bouscule dans la rue mais que vous n’êtes pas blessé, pas de préjudice, donc pas d’indemnisation.

Ce triptyque s’applique aussi en droit du travail mais connaît une exception de taille avec le fameux « préjudice nécessaire ».

L’idée est que certains comportements fautifs de l’employeur, par leur gravité supposée, causent « nécessairement » un tort au salarié, si bien que ce dernier est dispensé de prouver l’existence d’un préjudice pour être indemnisé.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a eu une approche plutôt large du préjudice nécessaire. Cependant, un mouvement de recentrage s’est opéré ces dernières années. La jurisprudence tend désormais à restreindre le champ de cette présomption d’indemnisation automatique, privilégiant un retour à l’orthodoxie juridique. Cette rigueur ne signifie pas pour autant la disparition du préjudice nécessaire, qui demeure applicable dans des situations où le tort causé est jugé suffisamment évident ou grave. Sont notamment concernés :

  • La non remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi), qui peut entraver la recherche d’un nouvel emploi ;
  • Le fait d’imposer du travail pendant un arrêt maladie ou un congé maternité, une atteinte manifeste aux droits du salarié ;
  • Le non-respect du temps de repos quotidien, qui touche directement la santé et la sécurité du travailleur ;
  • L’absence de visite médicale obligatoire après un congé maternité, essentielle pour assurer la protection de la salariée.

Ce recentrage jurisprudentiel traduit une volonté d’équilibre entre deux impératifs : sanctionner les atteintes les plus graves aux droits des salariés sans pour autant imposer une responsabilité automatique aux employeurs, en l’absence de dommage démontré.

Me Manuel Dambrin


07 avril 2025