Le transfert de données confidentielles n’est pas une faute grave


Un salarié qui transfère un document confidentiel sur sa messagerie personnelle commet-il une faute grave ? Dans un arrêt du 9 avril 2025 (soc., 9 avr. 2025, n° 24-12.055), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que toute infraction n’est pas synonyme de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Mme X., engagée en 1995 comme VRP par la société Gaspard, aux droits de laquelle vient la société Lyreco France, occupait en dernier lieu les fonctions de chargée d’affaires. Le 17 juillet 2019, elle est licenciée pour faute grave, à l’issue d’une mise à pied conservatoire et d’un entretien préalable.

Son employeur lui reproche d’avoir transféré, depuis sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle, un courriel contenant des pièces jointes confidentielles, en violation de la charte éthique, des règles de sécurité informatique et de son obligation contractuelle de confidentialité. Il lui est également reproché d’avoir tenté de dissimuler cet acte en supprimant toute trace du transfert.

Contestant la gravité du manquement, au motif qu’elle avait voulu travailler chez elle sur les documents litigieux, la salariée saisit la juridiction prud’homale. Elle obtient gain de cause. La cour d’appel de Colmar, par un arrêt du 17 novembre 2023, juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. La société Lyreco forme un pourvoi.

Mais la Cour de cassation le rejette.

Elle confirme d’abord que les faits sont établis : la salariée a bien contrevenu aux règles internes en matière de sécurité des données en transférant des documents confidentiels vers sa messagerie personnelle.

Mais elle relève aussi, à l’instar des juges du fond :

  • Qu’aucun élément ne permet de conclure à une divulgation de ces données à des tiers extérieurs à l’entreprise ;
  • Que la salariée ne faisait l’objet d’aucun antécédent disciplinaire ;
  • Et qu’elle bénéficiait d’une ancienneté de plus de 24 ans.

Au regard de ces éléments, le maintien de la salariée dans l’entreprise n’était pas rendu impossible, condition sine qua non pour caractériser la faute grave. Plus encore, les faits ne suffisaient pas à établir une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Transférer un document confidentiel vers sa boîte mail personnelle est imprudent mais licencier pour ce motif peut l’être également.

Me Manuel Dambrin


12 mai 2025