Quand la protection de la salariée enceinte trouve ses limites


L’employeur ne peut pas licencier une salariée enceinte pendant les périodes de protection prévues par l’article L.1225-4 du Code du travail, à savoir :

  • Pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ;
  • Et pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Cependant, le même texte prévoit que le licenciement reste possible durant ces périodes dans deux cas : en cas de faute grave ou en cas « d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement ».

C’est ce second cas, très rarement admis, que vient illustrer l’affaire tranchée par la Cour de cassation dans son récent arrêt du 27 mai 2025 (n° 23-23549).

Il s’agissait d’une ingénieure, de retour de plusieurs congés maternité et parentaux, dont les collègues et les représentants du personnel redoutaient la réintégration. Un rapport pointait des tensions passées, des erreurs imputées à la salariée, une surcharge de travail pour ses pairs et une dégradation de l’ambiance.

Alerté, l’inspecteur du travail confirma les craintes en matière de risques psychosociaux, non seulement pour l’équipe mais aussi pour la salariée elle-même. Il recommanda son affectation sur un autre poste. L’employeur proposa alors un reclassement équivalent dans un autre établissement, ce que la salariée refusa.

Constatant l’impasse et soucieuse de préserver la santé mentale des salariés concernés, l’entreprise procéda finalement au licenciement pour impossibilité de maintenir le contrat.

La salariée contesta, invoquant la nullité de son licenciement au regard de sa grossesse nouvellement déclarée.

Ni les prud’hommes, ni la cour d’appel, ni la Cour de cassation ne lui donneront raison : le licenciement n’était pas dicté par son état de grossesse, mais par la nécessité d’assurer la sécurité collective, comme l’exige l’obligation légale de prévention des risques psychosociaux.

Cet arrêt rappelle que si la protection de la salariée enceinte est robuste, elle ne saurait primer sur l’impératif de préservation de la santé mentale au sein de l’entreprise. À condition, bien entendu, que l’employeur ait sérieusement cherché des solutions alternatives — ce qui était ici le cas.

Me Manuel Dambrin


07 juin 2025