De « l’excès de contrainte » durant l’astreinte


Le droit du travail distingue clairement entre le temps de travail effectif et les périodes d’astreinte.

La période d’astreinte est définie par l’article L. 3121-9 du Code du travail : le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

Pendant cette période, le salarié peut donc vaquer librement à ses occupations, sous réserve de pouvoir répondre en cas de sollicitation. L’astreinte ne constitue pas du temps de travail effectif. Elle doit toutefois donner lieu à une contrepartie (financière ou en repos).

Le temps de travail effectif, quant à lui, correspond aux périodes pendant lesquelles le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (C. trav., art. L. 3121-1). Ce temps est rémunéré comme du travail normal et entre dans le décompte des heures supplémentaires.

Mais lorsque les contraintes pesant sur le salarié durant l’astreinte deviennent trop fortes, la frontière peut s’estomper. La Cour de cassation en a récemment apporté l’illustration en matière d’astreinte de nuit pour un gardien d’hôtel (Cass. soc., 9 avril 2025, n° 23-11.125).

Dans cette affaire, un gardien d’hôtel réclamait que ses permanences nocturnes, qualifiées contractuellement d’astreintes, soient en réalité considérées comme du temps de travail effectif et il sollicitait à ce titre 71 300 € d’heures supplémentaires.

Le salarié assurait en moyenne quatre nuits d’astreinte hebdomadaires, logeant dans une chambre de fonction sur place. Il était régulièrement sollicité pendant ces nuits et soutenait que son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l’hôtel, ce qui entraînait de fréquentes interruptions.

La cour d’appel avait rejeté sa demande, estimant qu’il s’agissait bien d’astreinte.

Mais la Cour de cassation a censuré cette décision, en s’appuyant notamment sur la jurisprudence européenne (CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19).

Elle rappelle qu’il convient de vérifier si les contraintes imposées pendant l’astreinte n’étaient pas d’une intensité telle qu’elles affectaient, objectivement et très significativement, la faculté du salarié de gérer librement son temps et de vaquer à ses occupations personnelles.

En l’espèce, la cour d’appel aurait dû examiner si la fréquence des sollicitations et les modalités de l’astreinte n’avaient pas transformé la période en véritable temps de travail effectif.

L’affaire devra donc être rejugée sous cet angle.

Me Manuel Dambrin


03 juin 2025