Vous avez le droit de garder le silence


Lorsqu’un salarié est convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement, il lui est demandé de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Mais doit-il être informé de son droit de se taire ? Ce droit, typiquement associé aux procédures pénales, est-il sur le point de franchir les portes de l’entreprise ?

La question s’est posée dans un litige opposant une chef de service d’une association spécialisée dans l’accompagnement du handicap, licenciée pour faute grave.

Contestant la régularité de la procédure, l’intéressée a soulevé devant la Cour de cassation deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

La QPC est un mécanisme introduit par la révision constitutionnelle de 2010, qui permet à toute partie à un procès d’en suspendre le cours pour contester la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution.

C’est donc par ce biais procédural que la salariée a demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité des articles L. 1232-3 et L. 1332-2 du Code du travail.

Ces textes, en ne prévoyant pas l’information du salarié sur son droit de se taire, ne porteraient-ils pas atteinte à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui consacre la présomption d’innocence et, par ricochet, le droit de ne pas s’auto-incriminer.

Par un arrêt du 20 juin 2025 (n° 25-11.250), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la question était suffisamment sérieuse pour être transmise au Conseil des Sages.

Si le Conseil constitutionnel venait à juger que ce droit s’impose en matière disciplinaire, les employeurs devront alors revoir leurs procédures et, lors de l’entretien préalable, informer explicitement le salarié de son droit de se taire et s’en préconstituer la preuve.

Il restera à déterminer la sanction d’une omission à ce titre : simple irrégularité de procédure ou licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ?

Une chose est sûre : tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.

Me Manuel Dambrin


27 juin 2025