Le droit de retrait … avec effet différé


En droit du travail, le « droit de retrait » permet à un salarié de cesser le travail s’il estime, de manière raisonnable, que la situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. C’est ce que prévoit l’article L. 4131-1 du Code du travail, qui impose également au salarié d’alerter immédiatement l’employeur. Et selon l’article L. 4131-3, aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prise contre celui qui use légitimement de ce droit.

Mais ce droit peut-il être exercé par anticipation, avant que le danger se réalise ?

C’est à cette question que répond l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2025 (n° 23-23.291).

Dans cette affaire, un ingénieur commercial reprenait le travail le 29 novembre après une période d’arrêt maladie. Un mois plus tard, le 21 décembre, il notifiait à l’entreprise son intention d’exercer son droit de retrait à compter du 2 janvier 2019, soit à son retour de congé. En effet, selon lui, les modifications unilatérales de sa rémunération variable créaient une situation de danger pour sa santé à son retour de vacances.

L’employeur ne l’entendait pas ainsi et soutenait que le droit de retrait était infondé dès lors qu’il avait été exercé de manière anticipée, sans danger grave et imminent au moment de son déclenchement ; il procédait donc au licenciement pour faute grave.

La cour d’appel approuva cette analyse et jugea le licenciement pour faute grave fondé, estimant que le danger invoqué ne présentait pas le caractère d’« imminence » requis par les textes dès lors qu’il concernait une situation de travail à venir.

A tort, selon la Cour de cassation.

La Cour régulatrice pose que la légitimité du droit de retrait ne dépend pas de la date de sa déclaration, mais de l’existence d’un motif raisonnable de penser, au moment de l’alerte, que la situation future (en l’espèce, celle du 2 janvier 2019) présentera un danger grave et imminent. La cour d’appel aurait donc dû rechercher si, à la date du 21 décembre, le salarié avait ou non un tel motif de crainte pour sa santé.

Me Manuel Dambrin


27 juillet 2025