Le CDI senior : valoriser l’expérience

Déposé au Parlement début 2025, le projet de loi relatif à l’emploi des seniors et au dialogue social s’attaque à un « angle mort » de la réforme des retraites de 2023.
En relevant l’âge légal à 64 ans, cette réforme a laissé de nombreux salariés de plus de 60 ans dans une impasse : trop jeunes pour liquider leur pension à taux plein, mais souvent écartés des embauches.
La mesure phare du texte, adoptée par l’Assemblée nationale le 3 juillet 2025 après un premier vote du Sénat, est la création du contrat de valorisation de l’expérience (CVE), surnommé « CDI senior ».
Ce dispositif expérimental de cinq ans pourrait entrer en vigueur dès septembre 2025.
Le CVE sera réservé aux demandeurs d’emploi âgés d’au moins 60 ans, inscrits à France Travail, ne bénéficiant pas d’une retraite à taux plein et n’ayant pas travaillé dans l’entreprise au cours des six mois précédents (certaines branches professionnelles pourraient élargir l’accès dès 57 ans, par accord étendu).
Lors de l’embauche, le candidat devra fournir un document de l’Assurance retraite indiquant sa date prévisionnelle de départ à taux plein.
Cette précision formelle permettra à l’employeur, dès que l’heure de la retraite à taux plein sonne (âge et trimestres validés ou taux plein automatique à 67 ans), de mettre le salarié à la retraite d’office, dans le respect du délai de préavis et avec versement de l’indemnité de mise à la retraite, au moins équivalente à l’indemnité légale de licenciement.
Le CVE dérogera ainsi au principe selon lequel la mise à la retraite d’office n’est possible qu’à 70 ans.
Pour encourager les recrutements, le projet de loi prévoit diverses incitations :
- Exonération de la contribution patronale de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite (pendant les trois premières années de l’expérimentation).
- Allègements progressifs sur les cotisations chômage, à confirmer par textes d’application.
- Cumul possible entre allocation chômage et salaire du CVE, lorsque la rémunération du nouvel emploi est inférieure à celle de l’emploi précédent, dans des limites définies.
L’idée est double : réduire le coût pour l’employeur et éviter au salarié une perte financière nette en cas de reprise d’activité moins rémunérée.
Le CVE entend donc apporter une réponse pragmatique à la question du retour à l’emploi des seniors : visibilité sur la fin du contrat pour l’employeur, garantie d’une transition sécurisée vers la retraite pour le salarié. Reste à savoir si cette souplesse sera perçue comme un atout… ou comme un CDI « à durée déterminée » déguisé. L’expérimentation, prévue pour cinq ans, livrera son verdict.
Me Manuel Dambrin
08 août 2025