Former avant de licencier

Un salarié peut-il être valablement licencié pour insuffisance professionnelle si l’employeur n’a pris aucune mesure pour lui permettre de progresser et de surmonter ses insuffisances ?
La Cour de cassation a récemment apporté une réponse ferme, rappelant qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle n’est légitime que si l’intéressé a bénéficié des formations nécessaires à l’adaptation à son poste.
L’affaire concernait un chef de secteur, en poste depuis plusieurs années, qui rencontrait des difficultés persistantes : objectifs quantitatifs non atteints, prestations jugées insuffisantes, absence d’amélioration malgré des remarques répétées. L’employeur, estimant la situation compromise, avait engagé une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Le salarié a contesté cette mesure, soutenant qu’aucun dispositif n’avait été mis en place pour l’aider : ni formation spécifique, ni tutorat, ni plan d’accompagnement.
La cour d’appel avait rejeté son recours, considérant que les manquements étaient établis et que l’entreprise avait suffisamment caractérisé l’insuffisance.
La chambre sociale de la Cour de cassation ne l’a pas suivie : dans un arrêt du 9 juillet 2025 (n° 24-16405), elle rappelle qu’avant de sanctionner une insuffisance professionnelle, l’employeur doit prouver qu’il a assuré l’adaptation du salarié à son emploi, conformément à l’article L. 6321-1 du Code du travail. Cette obligation, qui s’étend aux évolutions des emplois, des technologies et des organisations, implique des actions concrètes : formations, accompagnement, tutorat, voire un plan de retour à la performance lorsque la situation l’exige.
En l’espèce, l’employeur n’apportait aucun élément établissant qu’il avait permis au salarié de renforcer ses compétences ou de se remettre à niveau. Faute de justification, le licenciement ne pouvait être regardé comme fondé sur une cause réelle et sérieuse ; l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel afin qu’elle se prononce à nouveau, à la lumière de cette exigence.
Ce rappel s’inscrit dans une jurisprudence constante : si l’insuffisance professionnelle n’est pas une faute — sauf mauvaise volonté caractérisée —, elle ne saurait justifier une rupture qu’à condition d’être objectivement vérifiée et précédée des diligences nécessaires.
Me Manuel Dambrin
11 septembre 2025