Travail dissimulé : l’intention est présumée


Le seul fait d’avoir eu recours à un statut d’indépendant pour un travail en réalité salarié suffit-il à caractériser l’élément intentionnel du travail dissimulé ?

C’est la question qu’a tranchée la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 septembre 2025 qui doit faire réfléchir sur certaines pratiques (n° 24-13.180).

La société GIEA, qui exploite des agences d’assurances, avait fait travailler un collaborateur sous une « convention de mandat », censée lui donner une autonomie d’indépendant, avec commissions et affiliation au RSI.

Mais en réalité, la prestation de travail était exécutée dans le cadre du lien de subordination, ce critère cardinal du contrat de travail : réunions mensuelles avec la direction, intégration dans l’équipe, directives, contrôle de l’activité, objectifs fixés par la société, travail effectué dans les locaux de l’agence…. Pendant plus de quatre ans, l’intéressé a ainsi exercé ses fonctions sans aucune déclaration d’embauche ni bulletin de paie.

Puis les relations se tendirent : notre homme quitta l’agence et saisit les prud’hommes pour faire requalifier son contrat de mandat en CDI et obtenir la fameuse indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, égale à six mois de salaire.

La société se défendit classiquement : le délit de travail dissimulé, comme tout délit, requiert un élément intentionnel (ici, la volonté délibérée de faire travailler un salarié sous un statut d’indépendant) et cet élément ne saurait se déduire du seul recours à un contrat inapproprié.

Cette défense est rejetée : sans nier que l’intention soit bien requise, la Cour de cassation estime qu’elle se déduisait suffisamment du « fait que l’employeur se soit soustrait aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci en choisissant de soumettre l’intéressé à un statut d’indépendant alors qu’il travaillait dans le cadre d’une relation salariée » et que, ce faisant, « la société avait cherché à s’exonérer de toutes les obligations liées au contrat de travail ».

Me Manuel Dambrin


25 septembre 2025