La blague de vestiaire qui coûte cher

Un cadre dirigeant peut-il être licencié pour faute grave pour avoir relayé, sur un groupe WhatsApp professionnel, un photomontage sexiste visant sa supérieure hiérarchique ?
Salarié de longue date devenu directeur régional d’une grande enseigne de distribution alimentaire, l’intéressé assiste à la présentation d’un ambitieux plan de redressement. La directrice exécutive nationale conclut son propos par un slogan dynamique : « Give me five ».
Le soir même, il transmet à ses directeurs de magasins, via un groupe WhatsApp professionnel, un photomontage : une femme blonde (ressemblant à la dirigeante) seins nus, dissimulant sa poitrine de ses mains, face à un homme l’invitant à « taper dans la main ».
L’auteur de la « blague de vestiaire » est aussitôt mis à pied et licencié pour faute grave, sans préavis ni indemnité.
Il conteste, invoquant l’humour potache, l’envoi hors temps de travail et le caractère prétendument privé du groupe WhatsApp. Il dénonce aussi une discrimination : l’auteur initial du cliché, un autre directeur régional, n’a écopé que d’un avertissement, et d’autres comportements sexistes auraient été sanctionnés plus légèrement.
L’employeur rétorque que le poste de direction impose exemplarité et réserve : la photo humilie une supérieure, a été diffusée à des subordonnés et viole le code éthique signé par le salarié. La différence de sanction s’expliquerait par l’ampleur de la diffusion et la nécessité de préserver la stabilité managériale dans la région.
Le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence avait requalifié le licenciement en cause réelle et sérieuse, accordant préavis, indemnités et rappel de salaire.
Mais la cour d’appel (Aix-en-Provence, 19 septembre 2025, n° 21/11580) a tranché plus sévèrement : le caractère humiliant et sexiste du montage, son envoi à des subordonnés et la violation du code interne rendent impossible le maintien du salarié. La faute grave est retenue.
Me Manuel Dambrin
04 octobre 2025