Cadre dirigeant : la Cour de cassation remet les pendules à l’heure


Le titre de « cadre dirigeant » a un parfum de prestige. Mais derrière l’étiquette se joue surtout un enjeu très concret : la durée du travail. Celui qui est reconnu cadre dirigeant échappe à la législation sur la durée légale de 35 heures et à tout décompte d’heures supplémentaires. Pour l’employeur, c’est la promesse d’une plus grande souplesse organisationnelle. Pour le salarié, c’est possiblement la perte d’une protection et de droits pécuniaires substantiels.

Attribué à tort, ce statut peut ouvrir la voie à des rappels massifs d’heures supplémentaires, des congés payés afférents et parfois même à des indemnités pour violation du droit aux repos ou pour travail dissimulé.

Par un arrêt du 10 septembre 2025 (Cass. soc., n° 24-11187 FD), la Cour de cassation rappelle que les juges du fond doivent examiner concrètement et distinctement les trois critères légaux constitutifs du statut de cadre dirigeant avant d’écarter le régime de droit commun du temps de travail.

En l’occurrence, un salarié d’une entreprise pharmaceutique, recruté puis promu sur des fonctions de « Medical Lead européen », avait été licencié. Devant les prud’hommes, il revendiquait le paiement d’heures supplémentaires, contestant la qualification de « cadre dirigeant » qui lui avait été appliquée.

Pour le débouter, la cour d’appel lui avait opposé la réalité de ses responsabilités : poste stratégique, rattachement direct à un niveau élevé de l’organigramme, participation à la direction de l’activité. Pour elle, ces éléments suffisaient à confirmer le statut de cadre dirigeant.

Insuffisant selon la Cour de cassation.

La Haute juridiction casse ce raisonnement en reprochant à la Cour d’appel de n’avoir pas examiné si chacune des trois conditions prévues par l’article L. 3111-2 du code du travail étaient réunies, c’est-à-dire de ne pas avoir vérifié :

  1. Si le salarié disposait d’une « grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps » ;
  2. S’il était habilité à « prendre des décisions de façon largement autonome » ;
  3. Et s’il percevait « une rémunération se situant parmi les plus élevées des systèmes pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement ».

Le simple constat qu’un salarié « participe à la direction de l’entreprise » ne remplace pas la démonstration que les trois conditions légales sont réunies mais constitue seulement la conséquence qu’elles le sont.

Me Manuel Dambrin


10 octobre 2025