Recel successoral : réagir sans tarder


Le recel successoral consiste pour un héritier à se rendre coupable de manœuvres dolosives ou frauduleuses dans le but de rompre l’égalité du partage. Il s’agit le plus souvent de la dissimulation de donations afin d’éviter qu’elles ne soient rapportées à la succession.

Car rappelons-le : le principe est que les donations sont rapportées à la succession, c’est-à-dire que leur bénéficiaire devra en signaler l’existence et les déduire de la part lui revenant dans la succession.

La première sanction du recel successoral est sévère (article 778 du code civil) puisque « l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net ». Cela signifie que si la succession est débitrice, l’héritier receleur ne pourra pas y renoncer et devra rembourser les dettes du défunt.

La seconde sanction est la plus communément appliquée : l’héritier receleur ne peut prétendre « à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés ». Les sommes ou biens détournés sont donc restitués à la masse partageable et l’héritier receleur ne perçoit pas la part lui revenant pour ce qui est des sommes ou biens recelées.

Précisons que l’héritier receleur n’est pas privé de tous droits dans la succession, et qu’il demeure héritier pour le solde de la succession, non concernée par la fraude.

Sur le plan pratique, le recel successoral n’est pas toujours aisé à découvrir (la dissimulation constitue le principe, parfois avec la complicité du défunt, qui entendait privilégier un des héritiers) et les héritiers lésés, découvrant le pot aux roses, peuvent hésiter à invoquer le recel successoral.

Soit pour préserver les relations familiales, soit par souci d’éviter une procédure judiciaire, soit par souhait de privilégier une résolution amiable, soit par crainte de ralentir le règlement de la succession et de différer la perception de leur part, même minorée.

La question de la prescription de l’action en recel successoral revêt par conséquent une importance capitale.

Pourtant, le législateur n’avait pas prévu de fixer le délai de prescription, de telle sorte que jusqu’à l’arrêt évoqué ici, rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation le 5 mars 2025 (n° 23-10.360), jurisprudence et commentateurs hésitaient entre plusieurs solutions qui, chacune, étaient soutenues par des arguments sérieux.

La solution est désormais claire : le délai est de cinq années et non de dix années, ainsi qu’il était aussi envisagé.

Là où elle l’est moins, en revanche, tient au fait que le point de départ du délai de prescription a été fixé « le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action ».

Ce point de départ n’est donc pas fixe (date du décès du défunt par exemple, ce qui aurait été extrêmement strict), mais « flottant », en fonction :

  • De la date à laquelle le titulaire du droit a découvert la fraude, dont il faudra rapporter la preuve ;
  • De la date à laquelle il aurait dû la découvrir, ce qui laisse ouverte la possibilité que le titulaire du droit aurait dû avoir connaissance de la fraude mais n’en a pas été avisé, pratiquement, de telle sorte que le délai de prescription a couru sans qu’il en ait conscience.

Les débats judiciaires en matière de prescription du recel successoral vont donc se focaliser sur la preuve de la date à laquelle les victimes du recel en ont eu connaissance.

Les faits à l’origine de l’arrêt ici commenté permettent d’illustrer cette difficulté : une femme était décédée en novembre 2012 et laissait pour lui succéder ses deux fils, X et Y. X a découvert des mouvements suspects sur le compte bancaire de la défunte dès le 4 mars 2014, ce qui était attesté par un courrier dans lequel X interpelait son frère Y précisément sur ce point. Le 9 février 2018, le frère auteur du recel, Y, est décédé, et X a attendu le 13 janvier 2020 pour engager une action en recel successoral à l’encontre de sa belle-sœur, épouse de Y, héritière de ce dernier.

Or l’action était malheureusement prescrite pour avoir été engagée plus de cinq ans après la preuve de la date à laquelle X avait eu connaissance des faits. La qualification de recel successoral a donc été rejetée et l’épouse de Y, venant aux droits de son époux décédé, n’a pas été sanctionnée pour la fraude commise.

Moralité de l’histoire : lorsqu’un recel successoral est découvert, il ne faut pas tarder pour réagir formellement.

Me Xavier Chabeuf


27 octobre 2025