Quand la démission vacille
Il arrive que la démission d’un salarié ne soit pas tout à fait ce qu’elle prétend être. Lorsqu’elle est donnée dans un contexte où l’employeur a été alerté d’une surcharge de travail devenue intenable, la volonté de démissionner du salarié peut perdre son caractère clair et non équivoque au point que la démission puisse être requalifiée en … licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est précisément ce que décide la Cour de cassation dans son arrêt du 13 novembre 2025 (n° 23-23535).
Un administrateur réseau, recruté depuis près de vingt ans, finit par jeter l’éponge en avril 2021. Il remet sa démission, puis saisit le conseil de prud’hommes pour en obtenir la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il explique que son départ n’était pas un choix mais la conséquence directe d’une charge de travail excessive, connue de l’employeur depuis longtemps.
L’employeur, de son côté, soutient que la démission était parfaitement libre, réfléchie et sans ambiguïté. La surcharge de travail invoquée ? C’est vrai qu’elle existait, reconnaît-on, mais depuis des années : rien qui, selon lui, puisse être regardé comme une circonstance contemporaine et déterminante du départ.
La cour d’appel donne raison à l’employeur : pour les juges du fond, la surcharge de travail était ancienne, non décisive au moment de la rupture, et ne rendait pas impossible la poursuite du contrat. La démission était donc claire, simple, directe — bref, une démission.
La Cour de cassation casse l’arrêt, sans ménagement. Elle relève que le salarié avait multiplié les alertes avant sa démission : constats médicaux, courriel d’alerte, sollicitation du médecin du travail, observations formulées lors de l’entretien annuel. Autant d’éléments révélant un différend réel et actuel, de nature à rendre la démission équivoque et donc incompatible avec l’idée d’une volonté libre de quitter l’entreprise.
Me Manuel Dambrin
28 novembre 2025