Les libertés fondamentales du salarié
L’état de subordination dans lequel est placé le salarié vis-à-vis de son employeur ne peut avoir pour effet ou pour objet de le priver d’exercer un certain nombre de libertés dites « fondamentales ».
Les libertés fondamentales sont un ensemble de droits et libertés ayant un caractère essentiel pour l’individu ; elles sont en principe assurées dans un État de droit et une démocratie.
En droit du travail, leur application est garantie au salarié par l’article L.1121-1 du code du travail, qui dispose : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Le droit du travail est un terrain de prédilection pour l’exercice des libertés fondamentales, car elles vont souvent se heurter à l’exercice du pouvoir de direction ou du pouvoir disciplinaire de l’employeur et constituer ainsi des moyens de défense redoutables pour le salarié en raison de la sanction qui s’attache à la violation d’une liberté fondamentale en droit du travail.
On peut en citer quelques exemples de libertés fondamentales qui trouvent à s’exercer au travail :
• La liberté d’expression, garantie notamment par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, permet au salarié de tenir en échec un licenciement motivé par des propos hautement critiques lorsque ces derniers ne seront pas considérés par la jurisprudence comme « injurieux, diffamatoires ou excessifs » ;
• Le droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, peut faire échec à la mise en œuvre d’une clause de mobilité si celle-ci n’est pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
• Le droit au secret des correspondances, qui découle du droit au respect de la vie privée, interdit à l’employeur de prendre connaissance et d’utiliser à des fins disciplinaires, des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ;
• Le droit à un procès, consacré par l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, rendra inopérante la sanction prononcée à l’encontre d’un salarié en raison de l’introduction d’une action en justice, cette action fût-elle non fondée ;
• La liberté d’entreprendre, principe général ayant une valeur constitutionnelle, permet au salarié de s’affranchir d’une clause de non-concurrence qui ne serait pas limitée dans le temps et dans l’espace, qui ne comporterait pas de contrepartie financière ou qui, par sa généralité, lui interdirait d’exercer son métier.
L’intérêt pour le salarié d’invoquer la violation par son employeur d’une liberté fondamentale réside dans la sanction qui s’attache à cette violation.
L’acte – généralement le licenciement – prononcé en violation d’une liberté fondamentale est « nul ».
Cela ouvre une option au salarié en termes de réparation ; il peut :
– Soit solliciter une indemnisation, comme il le ferait dans le cas d’un licenciement simplement « abusif » ou « dépourvu de cause réelle et sérieuse » mais à cette différence près, qui est de taille, que le plafonnement des indemnités prud’homales (« barème Macron ») ne s’applique pas au licenciement « nul », si bien qu’il pourra obtenir une indemnisation supérieure aux prévisions dudit barème ;
– Soit solliciter sa réintégration dans l’entreprise, laquelle est « de droit », c’est-à-dire que l’employeur ne pourra s’y opposer. En outre, dans cette hypothèse, le salarié peut également prétendre à une indemnité d’éviction correspondant aux salaires échus depuis le licenciement « nul » jusqu’à sa réintégration effective.
Me Manuel Dambrin
20 octobre 2022