Quand l’absence de travail mérite salaire
Tout travail mérite salaire, mais une absence de travail peut également être rémunérée. C’est ce que l’on appelle la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.
Le principe est qu’un salarié embauché à temps partiel (moins de 35 heures hebdomadaires) doit savoir selon quels horaires et à quel rythme il va devoir travailler, pour être à même, s’il le souhaite, de compléter cet emploi par un autre travail lui permettant, à la fin du mois, de pouvoir compter sur un revenu correspondant à une activité pleine.
Pour permettre cet objectif social, le code du travail (art. L.3123-6) prévoit que le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et doit mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois. En outre, en cas de modifications de cette répartition, celle-ci doit être communiquée au salarié avec un délai de prévenance lui permettant de s’organiser.
Si ces prescriptions ne sont pas respectées, alors le contrat est « présumé conclu à temps complet » et l’employeur ne peut renverser cette présomption qu’en démontrant, d’une part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et, d’autre part, qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
Si cette double preuve n’est pas rapportée, alors l’employeur est condamné à verser au salarié un rappel de salaire, comme si ce dernier avait travaillé à temps complet.
C’est ce qu’illustre l’affaire qui a donné lieu à la décision du 8 octobre 2021 rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (n° 18/13805).
Dans cette affaire, l’agent de sécurité d’une société de gardiennage se plaignait de recevoir ses plannings mensuels tardivement, ce qui l’empêchait matériellement d’entrer au service d’un autre employeur et revenait, en pratique, à le placer constamment à la disposition de la société, précisant de surcroît que ses plannings comportaient des horaires variant d’un mois sur l’autre.
Sa réclamation est accueillie : la Cour d’appel retient qu’« Il ressort de ces plannings que le salarié était au mieux informé de ses horaires de travail quatre jours avant le début du mois, alors que le délai conventionnel de prévenance est d’une semaine » ; qu’ « Il ressort par ailleurs de ces plannings que le salarié travaillait selon un rythme non prévisible […] donc sans aucune régularité dans la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois » ; qu’ainsi, « l’employeur, qui ne verse aucun élément probant, ne démontre pas que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition ».
Me Manuel Dambrin
23 mars 2022