Il ne faut pas confondre la mise à pied « disciplinaire » et la mise à pied « conservatoire »


La première est une sanction en tant que telle et, à ce titre, elle épuise le pouvoir disciplinaire en ce sens que les faits qu’elle vise ne pourront être sanctionnés une nouvelle fois ; la seconde est une mesure d’attente, faisant suite à une faute ou à une suspicion de faute et dont l’objet est de suspendre provisoirement le contrat de travail, le temps de mener les investigations nécessaires à la confirmation ou à l’infirmation de la faute et, le cas échéant, de prononcer une sanction qui peut aller de l’avertissement au licenciement.

Mais attention, pour être qualifiée de telle, la mise à pied « conservatoire » doit être notifiée concomitamment à la procédure disciplinaire qui a justifié sa mise en œuvre, sans quoi elle risque d’être requalifiée en mise à pied disciplinaire ; la sanction projetée ne sera alors plus possible en vertu du principe « non bis in idem ».

Bien que n’étant pas nouvelle, c’est la leçon à tirer de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre sociale, le 2 février 2022 (n°20-14.782).

Dans cette affaire, le collaborateur d’une société d’expertise comptable, soupçonné de fraude, avait été mis à pied à titre conservatoire le 5 octobre 2015 mais n’avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement que le 4 décembre 2015, pour être finalement licencié pour faute grave le 21 décembre suivant.

Il s’était ainsi écoulé près de deux mois entre la mise à pied conservatoire et le déclenchement de la procédure disciplinaire.

Délai excessif, selon la Cour de cassation, pour qui la mise à pied qualifiée de « conservatoire » présentait dès lors un caractère « disciplinaire », de sorte que l’employeur ne pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, le licenciement de l’intéressé, lequel était abusif.

Me Manuel Dambrin


08 mars 2022