La fausse démission
Le Code du travail ne définit pas la démission. La jurisprudence s’en est chargée en posant que la démission est « l’acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ».
Cette définition permet à l’employeur de distinguer l’authentique démission (qui répond à cette définition), de la « démission motivée » ou de la « prise d’acte de la rupture » qui sont le prélude à une action prud’homale puisqu’alors, tout en déclarant quitter son emploi, le salarié formule des reproches à l’encontre de son l’employeur, dans le but de faire requalifier cette pseudo-démission en licenciement abusif.
Mais attention, une démission en apparence claire et non équivoque peut néanmoins être remise en cause, de deux façons.
La première, traditionnelle, consiste pour le salarié à démontrer qu’il a été victime d’un vice du consentement, c’est-à-dire qu’il a donné sa démission à la suite d’une erreur, d’un dol (tromperie) ou de violence (menaces, pressions…).
La seconde, plus originale, consiste à démontrer une faute préexistante de l’employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail.
C’est ce second cas de figure qu’illustre l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 novembre 2020 (Chambre sociale, n°19-12.664).
Dans cette affaire, le salarié avait donné sa démission dans des termes dénués d’équivoque, sans formuler aucun grief ou réserve : « je démissionne de mes fonctions d’ingénieur que j’occupe depuis le 21 juin 2011 au sein de la société. Bien que ma période de préavis normalement due me conduise à quitter l’entreprise le 19 février 2014, je souhaiterais que la date effective de mon départ soit avancée au 31 décembre 2013 ».
Ce n’est qu’un mois plus tard, qu’il se ravisa et soutint que sa démission devait s’analyser en une « prise d’acte de la rupture » du contrat de travail aux torts de l’employeur, au motif que ce dernier lui avait retiré son véhicule de service.
Les juges lui donnèrent raison et requalifièrent la démission en licenciement abusif au motif « qu’il existait entre les parties un différend antérieur à la démission, relatif au retrait d’un véhicule de service, ayant rendu cette dernière équivoque » et que « ce manquement ne permettait plus au salarié d’assurer ses fonctions de manière satisfaisante ».
Me Manuel Dambrin
14 octobre 2021