Inciter au dénigrement n’est pas dénigrer


Si le salarié jouit dans l’entreprise de sa liberté d’expression, il peut être sanctionné lorsqu’il commet un abus dans l’exercice de cette liberté, c’est-à-dire lorsque, selon le triptyque habituel, il s’abandonne à tenir des propos « injurieux, diffamatoires ou excessifs » (voir précédemment sur ce blog : http://cardinal-avocats.eklablog.com/liberte-d-expression-au-sein-de-l-entreprise-jusqu-ou-peut-on-aller-a182514608).

Encore faut-il, aussi odieux soient les propos litigieux, que ces derniers aient été tenus par le salarié lui-même et non par ses « amis » Facebook …

C’est la leçon qu’il faut tirer de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre sociale, le 30 septembre 2020 (n°19-10.123).

Dans cette affaire, la secrétaire administrative d’une résidence privée pour personnes âgées avait publié, sur son compte Facebook accessible au public, des messages concernant son employeur qui, en eux-mêmes ne recelaient pas de propos outranciers ou dénigrants. La salariée indiquait qu’elle passait des « journées de merde » à La Rose des Vents. Elle qualifiait tout de même ses collègues d’« indics » et de « taupes »…

Mais ce sont surtout les commentaires des « amis » qui pouvaient être regardé comme injurieux, diffamatoires ou excessif. On pouvait y lire que l’entreprise n’était composée que d’une bande de « ptis cons », de « traitres », au comportement « très bas » « mais en même temps pas surprenant », indiquant qu’« il est grand temps de partir de là-bas » et affirmant, toujours à propos de l’entreprise, que « débusquer le faux ami, le traitre avant qu’il n’inocule son venin est une opération aussi complexe que de nettoyer l’anus d’une hyène ».

La salariée était licenciée pour faute grave au motif qu’elle avait, sur sa page Facebook, en libre accès, tenus des propos inadmissibles et laissé ses « amis » publier des commentaires outranciers.

Mais ce motif ne convainquit pas les juges. Pour dire le licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la Cour d’appel, approuvée ensuite par la Cour de Cassation, a retenu que les seuls messages dont la salariée était la rédactrice ne s’analysaient pas en un dénigrement de l’employeur et que les autres avaient été rédigés par des tiers.

Me Manuel Dambrin


17 février 2021