L’hôtelier est responsable des vols commis dans son hôtel


« Vers 5h30, je me suis réveillé et j’ai vu un individu qui fouillait vers des livres en face du lit. J’ai hurlé et l’individu est parti en courant par la porte-fenêtre qui donne sur son balcon. La chambre est en rez-de-chaussée ». Tels sont les faits rapportés par un voyageur séjournant avec son épouse dans un hôtel de luxe de la Côte-d’Azur après que des bijoux leur ont été dérobés.

L’hôtelier déclina sa responsabilité en indiquant qu’il n’avait commis aucune faute et qu’une notice à l’attention des clients indiquait bien qu’il convenait de fermer les volets la nuit (la chambre étant en rez-de-chaussée) et de placer les effets de valeur dans le coffre-fort de la chambre, ce que les voyageurs avaient fait s’agissant des espèces dont ils disposaient, mais pas pour ce qui concernait les bijoux, qui étaient restaient semble-t-il en évidence dans la chambre.

Les voyageurs, de leur côté, avançaient que l’hôtelier avait commis plusieurs fautes qui avaient permis au voleur d’accomplir son forfait car la baie de la fenêtre ne disposait pas d’un système de verrouillage et que le veilleur de nuit n’était pas à son poste mais préparait les tables du restaurant pour le petit-déjeuner.

Qui plus est, ils soulignaient à juste titre qu’ils pouvaient légitimement s’attendre, dans un hôtel de niveau 4 étoiles faisant payer 500 € la nuit, à un niveau de sécurité en adéquation avec le tarif pratiqué.

Et la Cour d’appel d’Aix-en-Provence de débouter les pauvres voyageurs de leur demande indemnitaire au motif qu’ils ne rapportaient pas l’existence d’une faute caractérisée de l’hôtelier et que les voyageurs n’avaient pas pris les précautions adéquates pour éviter un cambriolage.

Heureusement, un pourvoi en cassation fut formé par les voyageurs, qui a permis à la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 septembre 2020, de faire  un rappel bien venu des dispositions des articles 1952 et 1953 du code civil, lesquelles prévoient un régime de responsabilité spécifique concernant les vols commis dans les hôtels.

Elémentaire mon Cher Watson !

Ainsi, aux termes de l’article 1952 du code civil : « Les aubergistes ou hôteliers répondent comme dépositaires des vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux ; le dépôt de ces sortes d’effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire ».

Tandis que l’article 1953 du code civil est rédigé dans les termes suivants : «Ils sont responsable du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs domestiques et préposés, ou par des étrangers allant et venant dans l’hôtel. 

Cette responsabilité est illimitée, nonobstant toute clause contraire, au cas de vol ou de détérioration des objets de toute nature déposés entre leurs mains ou qu’ils ont refusé de recevoir sans motif légitime.

Dans tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l’exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l’équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée, sauf lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu’il a subi résulte d’une faute de celui qui l’héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre« .

Ces dispositions sont intéressantes et tout à l’avantage des voyageurs puisque :

1/ La faute de l’hôtelier n’est pas nécessaire pour engager sa responsabilité : il est supposé responsable par le seul fait qu’un vol est survenu. Ce principe figurait dès le code napoléon de 1804, et comme souvent n’était qu’une reprise du droit applicable sous l’Ancien régime, où de telles obligations reposant sur l’aubergiste apparaissait nécessaire tant il était fréquent que les clients soient proprement détroussés durant leur séjour. Ce n’est pas au voyageur de vérifier l’état des huisseries, la hauteur des balcons, les références du personnel, le fonctionnement des systèmes de vidéo-surveillance.

2/ Les dommages-intérêts auxquels peut prétendre le voyageur sont plafonnés, ce qui semble être la contrepartie du régime de responsabilité sans faute applicable : le plafond est fixé à cent fois le prix de location du logement par journée (nuitée de 120 euros = indemnisation plafonnée à 12.000 euros). Il reste donc avisé que Madame dépose sa rivière de diamants au coffre-fort sitôt rentrée du bal ou du casino.

3/ Il est possible de déroger à ce plafond à la hausse et à la baisse.

A la hausse, le plafond de cent fois le prix de location du logement par journée peut être dépassé si des effets ont été confiés à l’hôtelier (cas du coffre-fort de l’hôtel, par exemple) ou si une faute spécifique de sa part (ou de son personnel) peut être prouvée.

A la baisse, il faut noter que ces dispositions ne sont pas d’ordre public et qu’il est possible d’y déroger par contrat. Il faut donc prêter une particulière attention aux documents signés à l’arrivée dans un hôtel car ses exploitants peuvent évidemment avoir la tentation de prévoir une limitation de leur responsabilité.

4/ Le voyageur bénéficie de facilités pour prouver son préjudice puisqu’il peut se fonder sur les dispositions de l’article L. 110-3 du code de commerce pour rapporter par tous moyens son existence et sa consistance. Il est donc parfaitement possible de produire de simples photocopies ou des estimations privées, dans avoir à fournir des exemplaires originaux des factures des objets dérobés.

Me Xavier Chabeuf


29 décembre 2020