Pouvoir disciplinaire et vie personnelle


Le principe est bien établi : un fait tiré de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire.

Ainsi par exemple, n’est pas justifié le licenciement d’un salarié qui avait dénigré sa supérieure dans un mail adressé à son collègue depuis sa messagerie personnelle, ce qui conférait à ce message un caractère purement privé (Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2012, 11-10.189). De même en est-il ainsi du licenciement d’un directeur de cave licencié pour des agissements frauduleux commis au sein d’une société de négoce de vins, tierce à l’employeur (Cour de cassation, Chambre sociale, 21 avril 2010, 08-45.030). Même solution pour le vol d’enjoliveurs commis par le salarié sur le véhicule d’un collègue de travail garé à l’extérieur de l’entreprise (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 19 septembre 2007, 05-45.294). La frontière peut toutefois être ténue entre les faits relevant de la vie professionnelle et ceux relevant de la vie personnelle.

C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juillet 2020 (n° 18-18.317). Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, le steward d’une compagnie aérienne avait été licencié pour faute grave ; il lui était reproché d’avoir subtilisé le portefeuille d’un client de l’hôtel où il séjournait durant l’escale en tant que membre d’équipage.

L’intéressé se défendait de toute faute professionnelle en contestant le rattachement des faits reprochés à la vie professionnelle, afin qu’ils échappent au pouvoir disciplinaire de l’employeur.

La Cour de Cassation n’a pas suivi cette argumentation, estimant que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié, dans la mesure où ils avaient été commis pendant le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la société, laquelle y avait réservé à ses frais des chambres pour son équipage.

Cette solution illustre néanmoins la difficulté à cerner clairement la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. Si les faits se déroulant aux temps et lieux de travail n’appellent qu’assez peu de difficulté, il en va différemment lorsqu’ils sont commis en dehors des stricts temps et lieux de travail mais qu’ils conservent un lien avec l’emploi de l’intéressé.

La solution n’allait donc pas de soi.

Il semble que la jurisprudence adopte une position plus stricte avec le salarié lorsque son comportement est de nature à porter atteinte à l’image de l’employeur.

Me Manuel Dambrin


17 septembre 2020