Maman, j’ai raté l’avion !
Se réjouir à l’idée de partir en vacances en famille, s’apercevoir, à l’aéroport, devant le guichet de la compagnie aérienne, que la pièce d’identité d’un des enfants est périmée et se voir refuser de voyager : scénario catastrophe expérimenté par l’auteur de ces lignes pour un passeport d’enfant expiré depuis… une semaine !
La difficulté tenait au fait que les conditions générales de la compagnie aérienne étaient plus strictes que le droit applicable, en exigeant une pièce d’identité en cours de validité alors qu’une pièce d’identité périmée depuis peu reste utilisable pour franchir les frontières de l’Union européenne.
Mais que faire lorsque les agents de la compagnie aérienne vous refusent l’entrée de l’aéronef, alors que la file des autres passagers s’allonge derrière vous ? On renonce et l’on change ses plans.
Telle ne fut pas la réaction d’une mère de famille qui n’a pas hésité à saisir la justice pour faire reconnaître son bon droit après que, alors que la famille souhaitait partir en vacances en Grèce, l’enfant s’est vu refusé l’accès à l’avion par le transporteur aérien au motif que « son passeport était périmé depuis le mois de mai 2013 », soit depuis 3 ans.
La mère de l’enfant, agissant et son nom et en celui de son enfant, a alors assigné en justice l’agence de voyage et le transporteur aérien et formulé une demande d’indemnisation. Le tribunal d’instance de Paris a débouté la mère de l’enfant de sa demande dans un jugement rendu le 14 février 2018 : le juge a fait application de la directive européenne 2004/38/CE de 2004 qui prévoit que les citoyens de l’Union Européenne ont le droit de séjourner dans un Etat membre moins de 3 mois « sans être soumis à aucune condition ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité ».
Ne se décourageant pas, la demanderesse à l’action s’est alors pourvue devant la Cour de cassation, laquelle lui a donné raison par un arrêt rendu par la première chambre civile le 5 février 2020 (n° 18-15.300).
La Cour de cassation a fondé son arrêt sur un accord du 13 décembre 1957 portant sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe qui prévoit que « les ressortissants des parties contractantes, quel que soit le pays de leur résidence, peuvent entrer sur le territoire des autres parties et en sortir par toutes les frontières sous le couvert de l’un des documents énumérés à l’annexe audit accord, qui fait partie intégrante de celui-ci ».
Pour la France, les documents mentionnés dans ladite annexe sont la carte national d’identité en cours de validité et le passeport national de la République française, en cours de validité ou périmé depuis moins de 5 ans.
En conséquence, il est possible de voyager avec un passeport périme depuis moins de 5 ans et les transporteurs aériens, en théorie, ne sont pas fondés à refuser l’accès à l’avion si un voyageur présente ce type de document.
En pratique, toutefois, la portée de cet arrêt reste circonscrite : cette règle ne s’applique qu’aux 17 Etats du Conseil de l’Europe (sur 47) ayant ratifié l’accord, à la condition expresse que le pays de départ et le pays de destination ont ratifié l’accord.
Il est donc tout de même conseillé de mettre ses documents d’identité à jour avant de partir en voyage dans un des pays de l’Union européenne, sous peine de prendre le risque de rater l’avion.
A défaut, n’hésitez pas à glisser dans vos bagages l’arrêt rendu par la première civile de la Cour de cassation le 5 février 2020 !
Me Xavier Chabeuf
30 août 2020