En droit du travail, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur


Selon l’article L. 1152-1 du Code du Travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

La Cour de cassation vient confirmer que, selon ce texte, l’existence d’un harcèlement moral, en droit du travail, ne nécessite pas de caractériser un élément intentionnel de la part de son auteur, mais seulement de présenter des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement, sans que l’employeur soit en mesure de justifier ces faits par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Cette possibilité que soit reconnue l’existence d’un harcèlement indépendamment de l’intention de son auteur, c’est-à-dire sans qu’il y ait eu volonté de harceler, doit conduire les employeurs à la plus grande vigilance car cela facilite la reconnaissance des situations de harcèlement notamment lorsque celui-ci résulte d’un environnement de travail ou d’un mode de management.

C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu le 8 juillet 2020 par la chambre sociale de la Cour de cassation (n°18-26385).

Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, les juges d’appel avaient énoncé que le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec la pression, le surmenage, le conflit personnel entre salariés, les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre, voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en œuvre de ses fonctions.

Puis les juges ont retenu que le salarié ne démontrait pas que ses objectifs lui avaient été « intentionnellement » fixés de manière inatteignable pour le mettre en défaut par rapport aux années précédentes.

Enfin, pour retenir que l’employeur démontrait que les autres faits matériellement établis par le salarié étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, les juges ont retenu que le listing des mails reçus par lui ne faisait apparaître que trois mails le dimanche et uniquement 34 adressés le soir après 19 heures ; qu’au surplus le salarié ne démontrait pas qu’il lui était imposé de les consulter immédiatement et d’y répondre avant le lendemain.

Pour la Cour de Cassation, ce raisonnement est erroné : « En statuant ainsi, alors que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, la cour d’appel qui a, en outre, statué par des motifs impropres à établir, s’agissant de l’envoi des mails au salarié, que l’employeur justifiait ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a violé les textes susvisés ».

Me Manuel Dambrin


10 août 2020