Heures supplémentaires : à qui la preuve ?


Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; autrement dit, la charge de la preuve pèse donc sur le demandeur. Selon ce principe, c’est au salarié qu’il incomberait de prouver l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Cependant, pour ne pas pénaliser le salarié, souvent démuni lorsqu’il s’agit de rapporter la preuve de son temps de travail et plus précisément des heures supplémentaires (faute par exemple d’avoir accès aux données du système de pointage), le code du travail déroge à ce principe de droit commun.

L’article L.3171-4 du Code du travail prévoit en effet un régime probatoire particulier, dans lequel la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur. Ce texte énonce :

« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

Puis, en application de ce texte, la jurisprudence a introduit un ordre chronologique dans l’administration de la preuve : c’est d’abord au salarié de soumettre au juge des éléments de nature à étayer sa demande (témoignages, plannings, agendas, e-mails,…) et, si cette obligation est remplie, il appartient alors à l’employeur de contredire ces éléments en justifiant de l’horaire effectivement accompli :

« Il résulte de ces dispositions [L’article L.3171-4 du Code du travail], qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ».

Un arrêt inédit de la Cour de cassation, Chambre sociale, du 8 juillet 2020 (n° 18-26.385) vient confirmer le faible niveau d’exigence attendu du salarié en la matière. 

Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, en effet, le salarié se contentait de verser aux débats « des tableaux de type Word par lesquels il avait récapitulé des heures supplémentaires non vérifiables sans verser d’autres éléments les corroborant ».

La Cour d’appel le déboutait en conséquence de sa demande, relevant au surplus que « travaillant à domicile avant son recadrage, il n’était pas contrôlé dans ses heures de travail et de pause ».

Mais ce raisonnement est censuré. Pour la Cour de Cassation, « En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé [L’article L.3171-4 du Code du travail] ».

Me Manuel Dambrin


04 août 2020