Peut-on dormir au travail ?


La photo a fait polémique. Elle représentait un employé de la ville de Paris, ou plus exactement l’employé d’un sous-traitant chargé de la propreté, vêtu d’une chasuble jaune et une combinaison verte, allongé sur le rebord d’une vitrine d’un commerce. Alerté par la diffusion du cliché, l’employeur de l’agent de propreté a procédé à son licenciement pour faute grave.

Sans commenter ici l’indignité de la démarche qui consiste à photographier des personnes, fussent-elles endormies, à leur insu et de poster ensuite la photo sur les réseaux sociaux, qu’en est-il de la sieste au travail ?

Pour la Cour d’Agen « le fait de s’endormir sur les lieux et pendant les heures de travail constitue, sauf circonstances particulières, une cause réelle et sérieuse de licenciement ». Ainsi jugé à propos de l’employé d’une société Transports Frigorifiques qui s’était « assoupi » dans la cabine de son camion sur le parking de l’entreprise. En l’occurrence l’état de santé et les conditions de travail difficiles invoqués par le salarié pour justifier son endormissement n’ont pas été retenus (arrêt du 28 juin 2016 (n° 15/00732).

Pour la Cour de Bordeaux, constitue une faute grave le fait pour un pompier d’aéroport d’avoir été retrouvé, avec des écouteurs sur les oreilles, profondément endormi dans son véhicule de travail, dont le siège était en position semi-allongée : « cet agissement, eu égard aux fonctions du salarié, est constitutif d’un manquement d’une importance telle qu’elle a empêché la poursuite de la relation salariale, même pendant la période du préavis ». Le salarié avait bien invoqué un « surmenage », mais n’a pas été suivi (arrêt du 17 février 2016, n° 13/05556).

Pour la Cour de Colmar, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais pas une faute grave, le fait pour l’agent de sûreté aéroportuaire, chargé du contrôle des bagages, de s’être endormi devant son écran et d’avoir déclaré, dès lors notamment qu’il n’est « pas démontré que le salarié se serait volontairement endormi », alors pourtant que le salarié avait déclaré à son réveil : « c’est l’heure de ma sieste » (arrêt du 13 juin 2017, n° 16/04077).

En revanche, à Riom, on sait l’importance de la sieste. Pour les juges riomois, peut dormir sur ses deux oreilles l’ouvrier polyvalent, « soumis au forfait jours et se trouvant donc libre de l’organisation de son temps de travail », retrouvé à quatre reprises « endormi et ronflant » derrière une machine, la Cour relevant « qu’il n’est pas illégitime de souhaiter n’être pas surpris pendant un moment de sommeil ». Licenciement jugé abusif (arrêt du 20 septembre 2016, n° 14/01464).

Un dernier pour la route. Pour la Cour de Versailles, n’est pas fautif l’agent de sécurité chargé de surveiller des écrans de contrôle et le système incendie de la société, qui s’endormait régulièrement, étant observé, non seulement que la photographie en rapportant la preuve avait été prise de façon déloyale sans que le salarié ait été averti du fait que son image pouvait être enregistrée, mais aussi que l’endormissement du salarié était lié à son état de santé dont l’employeur était informé. Licenciement annulé (arrêt du 27 octobre 2016, n° 14/01826).

Me Manuel Dambrin


24 janvier 2020