« Le Slip français » baisse-t-il sa culotte ?


Un groupe de personnes se met en scène sur Instagram en pratiquant un « blackface » – en français « maquillage en Noir » – qui consiste à se grimer le visage en noir pour caricaturer une personne de couleur. Le réseau social fait son œuvre de diffusion et la Société « Le Slip Français » est citée car il se trouve qu’elle emploie certains de ces « instagrameurs ».
 

Devant le flot de messages indignés et d’appel au boycott de la marque, provoqué par la diffusion de ces images, l’employeur publie un communiqué pour annoncer sa décision de « sanctionner fermement les deux salariés concernés ».
 

Des circonstances extérieures à la vie professionnelles et tenant à la vie privée ou à la vie personnelle des salariés peuvent-elles justifier une sanction disciplinaire ?
 

Telle est donc la question posée par cette affaire.
 

La réponse est a priori négative : en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié n’est plus soumis au pouvoir de direction de son employeur. En outre, l’article 9 du Code civil assure à chacun le droit au respect de sa vie privée. Le principe est donc qu’un fait tiré de la vie privée ne peut pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
 

Le principe connait cependant une exception : le salarié peut être passible d’une sanction si les faits commis dans sa vie privée ont des répercussions sur l’employeur.
 

Ce principe et cette exception sont résumés par la Cour de Cassation de la façon suivante : « chacun a droit au respect de sa vie privée ; (qu’)il en résulte qu’il ne peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié que si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière » (Cass. Soc., 22 janvier 1992, n° 90-42517).
 

Ainsi par exemple, n’est pas justifié le licenciement d’un gardien d’immeuble pour une altercation qu’il a eu avec un locataire alors qu’il se trouvait en arrêt de travail (Cass. Soc., 14 mai 1997, n°94-45473).
 

En revanche, est justifié le licenciement d’un agent de service ayant des fonctions de surveillant de nuit au sein d’une association chargée de personnes inadaptées et handicapées, auquel il était reproché de participer à des vidéos à caractère pornographique directement accessible sur Internet, ce comportement constituant un trouble objectif pouvant avoir des conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise (Cour d’appel de Pau, Chambre sociale, 26 septembre 2019, n° 16/02284).
 

L’appréciation du « trouble caractérisé » au sein de l’entreprise n’est parfois pas évident à cerner.
 

Ainsi jugé que le fait, pour un cadre de banque, d’émettre des chèques sans provision relève de sa vie privée et ne dénote aucun trouble objectif caractérisé apporté à l’entreprise (Cass. Soc., Chambre sociale, du 30 juin 1992, 89-43.840).
 

A voir, dans l’affaire du « Le slip français », si l’employeur sera en mesure de démontrer un trouble caractérisé au sein de l’entreprise…
 

Me Manuel Dambrin


08 janvier 2020