Mariage à Las Vegas
Le mariage constitue un véritable business à Las Vegas, où les fantaisies les plus incroyables sont envisageables. Et une union nuptiale paraît aisée à concrétiser à la suite d’un coup de foudre ou d’une soirée inhabituellement arrosée. Hangover !
Mais que vaut un tel mariage en droit français ?
C’est la réponse que la justice a dû apporter à un homme qui se maria à Paris en 1995 et découvrit ultérieurement que son épouse s’était mariée à Las Vegas en … 1981 !
Et l’époux de solliciter la nullité de son mariage en 2012, dans la mesure où la bigamie reste encore interdite en France.
On ignore précisément les faits de l’espèce mais il semblerait que l’époux ait eu une démarche pour le moins opportuniste en saisissant l’occasion de la « découverte » du mariage américain de son épouse pour demander l’annulation de son mariage, mesure aux effets bien plus puissants que le simple divorce puisque le mariage est sensé n’avoir jamais existé.
Les époux ayant été mariés de 1995 à 2012, soit pendant 17 ans, il pouvait apparaître avantageux (pas de prestation compensatoire, pas de pension alimentaire au titre du devoir de secours) de choisir la voie de l’annulation du mariage.
Le mari a été débouté en première instance, en appel, et par la Cour de cassation.
Et cette dernière de rappeler, dans un arrêt du 19 septembre 2019 (Cass. 1ère civ., n° 18-19.665) que le mariage implique un consentement réel, plein et entier, et que si tel n’est pas le cas, le mariage à Las Vegas n’a pas de valeur juridique en France :
« Madame J. avait présenté la cérémonie à La Vegas à ses amis comme un rite sans conséquence, que le voyage n’avait pas eu pour but ce mariage puisque les bans n’avaient pas été publiés, que Madame J. et Monsieur L. n’avaient entrepris aucune démarche en vue de sa transcription à leur retour en France, qu’ils n’avaient pas conféré à leur enfant le statut d’enfant « légitime » puisqu’ils l’avaient reconnu, sans aucune allusion à leur mariage dans l’acte de naissance, et qu’ils avaient tous deux contractés des unions en France après ce mariage ».
En somme, Madame J. s’était peut-être mariée à Las Vegas, mais elle n’avait jamais considéré que ce mariage était un « vrai mariage ». Notamment, elle n’a jamais tiré la moindre conséquence juridique (publication des bans, transcription sur l’acte de naissance, statut de l’enfant engendré avec l’époux de Las Vegas) ou pratique de ce qui n’était sans doute qu’une fantaisie touristique.
Les Juges, confortés en cela par la Cour de cassation, ont retenu que le consentement à mariage, exigé par l’article 146 du code civil faisait défaut et, partant qu’il n’y avait pas mariage.
En conséquence, le second mariage ne pouvait pas être considéré comme nul car il n’y avait pas eu bigamie, et seule la voie du divorce devait être envisagée pour séparer les époux.
En revanche, un mariage intervenu dans l’état du Nevada (où se trouve Las Vegas) et dont les époux entendraient tirer toutes conséquences de droit et de fait serait naturellement valable en droit français.
Me Xavier Chabeuf
15 décembre 2019