Accident du travail : la présomption d’imputabilité


Lorsqu’il est reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ou par le tribunal « l’accident du travail » entraine un certain nombre d’avantages pour le salarié qui en est victime (indemnités journalières majorées versées sans délai de carence, complément de salaire, indemnités de rupture majorées en cas de licenciement pour inaptitude, statut protecteur, possibilité d’agir en reconnaissance d’une faute inexcusable, …) et, corolairement, il implique, pour l’employeur, les inconvénients de ces avantages.

C’est pourquoi il existe un contentieux nourri sur la qualification d’accident du travail.

Selon l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».

Trois conditions doivent a priori être réunies pour entrainer la qualification d’accident du travail ; il faut : (1) que l’accident soit survenu dans le cadre de l’activité professionnelle, (2) qu’il ait une origine soudaine et fortuite et (3) qu’il ait entraîner des dommages corporels ou psychiques.

Si ces conditions sont remplies, il peut alors être tentant d’écarter néanmoins la qualification d’accident du travail dès lors que l’accident n’est pas imputable aux conditions de travail mais à une cause endogène à l’individu ; un facteur héréditaire par exemple.

Ce serait faire erreur et méconnaitre la portée que la jurisprudence attache à la locution « quelle qu’en soit la cause » que le législateur a inscrit dans l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale.
Pour la jurisprudence, il suffit en effet que la lésion survienne soudainement au temps et au lieu du travail pour que l’accident revête un caractère professionnel.

Plus juridiquement, il existe une présomption d’imputabilité de l’accident survenu au temps et lieu de travail, qui ne peut être détruite que par la preuve d’une cause « totalement étrangère au travail ». Cette preuve est extrêmement difficile à rapporter car elle se heurte notamment au secret médical.

Par deux décisions récentes, la Cour de Cassation illustre la sévérité (ou la souplesse, selon le côté où l’on se place) avec laquelle le juge applique la présomption d’imputabilité au travail de l’accident survenu au temps et au lieu de travail.
Dans la première espèce, le salarié était décédé à la suite d’un malaise cardiaque survenu au début de la réunion mensuelle du comité de direction. La Cour d’appel avait écarté la qualification d’accident du travail au motif que « l’ambiance était qualifiée de très bonne ; que la réunion à laquelle la victime devait participer ne présentait aucune difficulté particulière ; que les relations de la victime avec son nouveau supérieur étaient très constructives et le dialogue très ouvert ». Mais la Cour de Cassation censure cette solution au motif que ces éléments étaient insuffisants à établir que la cause de l’accident était « totalement étrangère au travail » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2019, n° 18-19.160).

Dans une seconde affaire, à l’inverse mais dans le même sens, la Cour de Cassation approuve la Cour d’appel d’avoir décidé que l’accident devait bénéficier de la présomption d’imputabilité au travail, dès lors que « le salarié avait pointé, qu’il avait pris son poste même s’il ne s’était pas rendu immédiatement dans le magasin », le fait que les premiers symptômes soient apparus avant l’embauche n’étant pas de nature à écarter la présomption d’imputabilité (Cass. 2e civ., 29 mai 2019, n° 18-16.183).

Me Manuel Dambrin


26 novembre 2019