Le difficile retour de congé parental
La salariée qui, à son retour de congé parental, ne retrouve pas son poste (ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente) peut se prévaloir d’une discrimination à raison du sexe.
C’est l’histoire extrêmement banale d’une salariée comptable qui, reprenant le travail après un congé maternité suivi d’un congé parental, a été affectée à d’autres tâches (standard, secrétariat, étiquetage, gestion des approvisionnements) que ses tâches de comptabilité, l’employeur préférant, pour des raisons d’organisation, conserver la remplaçante qu’il avait formé au poste de comptable.
S’estimant discriminée en raison de son état de grossesse, la salariée réclamait des dommages-intérêts pour ce motif.
La Cour d’appel a reconnu que le contrat de travail avait bien été modifié puisque la salariée s’était vu confier des tâches sans rapport avec sa qualification et subalternes, ce qui constituait un manquement de l’employeur à son obligation légale de réemploi.
Pour autant, la Cour d’appel n’a pas fait pas droit à la demande de dommages et intérêts pour discrimination, au motif que la salariée n’établissait pas – selon la formule consacrée en la matière – « la matérialité de faits précis et concordants de nature à supposer l’existence d’une discrimination » à raison de l’état de grossesse.
Ce raisonnement est censuré par la Cour Suprême dans son arrêt du 14 novembre 2019 (n° 18-15.682).
Pour ce faire, la Cour de Cassation se fonde sur l’accord-cadre sur le congé parental figurant à l’annexe de la directive 96/34/CE, du 3 juin 1996, alors applicable (ces textes ont été depuis remplacés par l’accord-cadre du 18 juin 2009 et la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010).
Les Hauts magistrats énoncent que l’accord-cadre sur le congé parental constitue un engagement des partenaires sociaux de mettre en place des mesures destinées à promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes, en leur offrant une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales.
Ils ajoutent que cet accord-cadre participe des objectifs inscrits au point 16 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, relatif à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, à laquelle cet accord-cadre renvoie d’ailleurs, objectifs qui sont liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail ainsi qu’à l’existence d’une protection sociale adéquate des travailleurs ayant demandé ou pris un congé parental.
Sous le bénéfice de ces considérations, la Cour de Cassation estime qu’en l’espèce, la Cour d’appel aurait dû « rechercher si, eu égard au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes qui choisissent de bénéficier d’un congé parental, la décision de l’employeur en violation des dispositions susvisées de ne confier à la salariée, au retour de son congé parental, que des tâches d’administration et de secrétariat sans rapport avec ses fonctions antérieures de comptable ne constituait pas un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison du sexe et si cette décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Me Manuel Dambrin
22 novembre 2019