Retraite des avocats : touchez pas au grisbi !
Le 16 septembre prochain, les avocats manifesteront à Paris pour s’opposer au projet de réforme de leur régime de retraite.
Réflexe corporatiste ? Défense de privilèges ? Pas certain.
En effet, il est acquis que la réforme projetée affectera en tout premier lieu les régimes de retraites qui bénéficient de meilleures conditions que la plupart des salariés du secteur privé : taux de cotisation moindre, âge de départ à la retraite avancé, taux de remplacement de la pension élevé,…
Le régime de retraite des avocats connaît une situation bien différente, puisqu’il s’agit d’un régime autonome qui ne coûte rien à la collectivité et reverse même 80 millions d’euros par an au titre de la compensation démographique entre caisses de retraite.
Il est équilibré, comme devrait l’être tout régime de retraite par répartition, en ce sens que les cotisations perçues des avocats au cours d’une année servent les pensions dues au titre de la même année.
Il est prévoyant, car la Caisse nationale du barreau français (CNBF), qui gère ce régime, a mis en réserve près de deux milliards d’euros, fruit de l’épargne collective des avocats en vue de palier un éventuel retournement démographique de la profession, ce qui assure l’équilibre du régime jusqu’en 2054 pour le régime de base et jusqu’en 2083 pour le régime complémentaire.
Il est solidaire, car tous les avocats perçoivent la même pension de base.
Précisons, aussi, que la profession se caractérise par deux données :
– un âge moyen de départ à la retraite de 65,1 ans, ce qui explique sans doute l’équilibre du régime et les réserves constituées, CQFD;
– une espérance de vie à la retraite de 17,9 ans, contre 27,4 ans pour les autres retraités.
Ce régime de retraite est promis à la disparition à la suite de la mise en oeuvre du projet de réforme des régimes de retraite, dont les contours sont maintenant connus, même si des détails d’importance (notamment la période d’entrée en application de la réforme) restent à préciser.
La conséquence pour les avocats sera désastreuse :
– les réserves patiemment constituées au fil des années seront siphonnées par le futur régime ;
– le régime de base forfaitaire et solidaire garantissant une retraite de base identique pour tous les avocats, disparaîtra ;
– le niveau des pensions versées diminuera ou stagnera en fonction des revenus déclarés (au niveau médian de revenu des avocats, soit 43.000 €/an, les cotisations augmenteront de 110 % et les pensions de 1,2 %) ;
– le taux de cotisation passera de 14 à 28 %, les charges des avocats atteignant 60 % avant impôt.
A ce jour, rien ne justifie de supprimer le régime de retraite des avocats, si ce n’est la volonté de créer un seul système de retraite pour tous les Français.
Cette réforme, belle sur le papier, ne peut pas se faire en portant à ce point atteinte aux droits d’une profession.
Espérons que la concertation promise sera sincère et constructive.
Me Xavier Chabeuf
09 septembre 2019