La preuve, toujours la preuve…
En manière de licenciement disciplinaire et plus particulière de licenciement pour faute grave ou lourde, la preuve des faits fautif incombe exclusivement à l’employeur. C’est à lui de démontrer la réalité et la gravité des faits et non au salarié de démontrer qu’il ne les a pas commis.
Aussi la question n’est-elle pas de savoir si les faits ont été commis mais s’il existe une preuve qu’ils ont été commis.
Dans cette affaire, il était reproché au salarié, veilleur de nuit dans un hôtel, d’avoir roué de coup sa collègue. La lettre de licenciement pour faute lourde énonçait :
« Le jeudi 13 octobre 2011, vers 18 heures 50, alors que vous étiez sur votre lieu de travail pour y accomplir vos attributions professionnelles de veilleur de nuit, vous avez porté des coups d’une particulière gravité sur la personne de votre collègue de travail, Madame G, qui occupe les fonctions de femme de chambre.
Alors qu’elle avait pris l’initiative de vous saluer dans le couloir de l’hôtel, vous vous êtes en effet énervé, sans aucune raison apparente et vous l’avez agrippée au niveau du cou puis, en la bloquant violemment sur la machine à café, vous l’avez frappée en lui portant à plusieurs reprises des coups de poing et de pied, non sans la gifler et lui cracher au visage.
(…)
Madame G A épouse H I était à moitié sonnée lorsque les pompiers, alertés entre-temps, sont intervenus sur place auprès d’elle, avant de la transporter à l’hôpital DELAFONTAINE à Saint-Denis, où elle fut hospitalisée jusqu’au 18 octobre à 10 heures.
Lors de cette hospitalisation, la victime devait subir une intervention chirurgicale au cours de laquelle des broches furent placées dans l’épaule droite. Ces lésions devaient entraîner une incapacité totale de travail personnelle de 45 jours. (…) ».
Les seuls éléments produits par l’employeur à l’appui de ce licenciement étaient le dépôt de plainte de la femme de chambre ainsi que le certificat médical constatant ses lésions.
Et ces éléments furent jugés insuffisants.
En effet, contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié prétendait, pour sa défense, que sa collègue de travail était arrivée sur le lieu de travail en état d’ébriété et qu’elle avait perdu l’équilibre, ce qui avait occasionné ses blessures. Il alimentait le dossier en produisant des témoignages indiquant que l’intéressée était régulièrement dans un état d’ébriété ce qui lui avait valu plusieurs sanctions. En outre, le procureur avait classé sans suite la plainte au motif que « la victime par son comportement s’est rendue responsable de l’infraction dont elle se plaint ».
Il n’en a pas fallu davantage à la Cour d’appel pour juger que « Au vu des éléments précités, il s’avère que Maître Z ne rapporte pas la preuve que les lésions subies par Madame G résultent de violences exercées à son encontre par Monsieur Y. Aucune faute ne peut donc être reprochée à l’intimé et le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse » (Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – chambre 8, 22 juin 2017, n° 15/09443).
Me Manuel Dambrin
05 août 2019