La purge du pouvoir disciplinaire


Le pouvoir disciplinaire de l’employeur a ses limites, dont deux sont bien connues.

La première est que l’employeur ne peut plus sanctionner des faits plus de deux mois après qu’il en a eu connaissance ; cette règle réside dans l’article L.1332-4 du code du travail selon lequel « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

La seconde est contenue dans la formule latine « non bis in idem », qui exprime la règle selon lequel une personne déjà sanctionnée pour un fait ne peut l’être à nouveau pour le même fait. Par exemple, l’employeur ne peut, après avoir notifié un avertissement, prononcer ensuite un licenciement pour les faits qui ont donné lieu à l’avertissement.

Une autre règle est moins connue : en présence de plusieurs manquements constatés, si l’employeur décide de ne pas tous les sanctionner, il ne pourra pas sanctionner les autres ultérieurement, même si les deux règles précitées ont été respectées : il épuise son pouvoir disciplinaire avec la première sanction.

L’illustration de ce principe nous est donnée par un arrêt de la Cour de Grenoble du 27 juin 2019 (n° 17/02734).
Dans cette affaire, bien qu’informé de l’ensemble des faits susceptibles d’être reprochés au salarié, l’employeur avait décidé de ne lui notifier un avertissement que pour certains d’entre eux … puis il s’était ravisé et avait engagé un licenciement fondé sur ceux des faits qu’il n’avait pas sanctionnés mais qui étaient antérieurs à l’avertissement.

Le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, pour cette raison qu’en choisissant de notifier un avertissement à raison de certains faits seulement, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, y compris à l’égard des faits non sanctionnés puisqu’il en avait eu connaissance et avait été en mesure de les sanctionner.

La Cour de Grenoble applique ici une jurisprudence classique selon laquelle « l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction » (Cass. Soc., 16 janvier 2019, n°17-22557).

Me Manuel Dambrin


30 juin 2019