80 km/heure : la face cachée des bons sentiments


La réduction de la vitesse maximale de 90 km/heures à 80 km/heures semble inattaquable car elle est supposée réduire la mortalité routière.  

Cette seule invocation des vies sauvées est sensée évacuer toute discussion sérieuse, et discréditer ceux qui s’aventurent à émettre des objections.

On se hasardera pourtant à les formuler ici, car cette question a priori banale traduit des tendances qui s’expriment aussi dans bien d’autres domaines.

1/ Cette mesure est imputable à la tentation classique de l’Etat de protéger les citoyens contre eux-mêmes et de juger légitime toute restriction de liberté destinée à atteindre une fin jugée préférable.  Là où l’Etat pourrait se borner à informer et à se porter garant de la protection des plus faibles, il préfère interdire, punir, et traiter chacun d’entre nous en mineurs éternels. Big Brother sait ce qui est bon pour nous, merci Big Brother.

2/ Cette mesure trahit la préférence de traitement des problèmes par des mesures simples, sur lesquelles il est aisé de communiquer, par rapport à des mesures plus subtiles, mais moins visibles. En réduisant la vitesse maximale, le Gouvernement a fait le choix de la facilité. Il est incontestable que des progrès considérables ont été accomplis en matière de sécurité routière, les nombre de décès sur les routes étant passé de 18.000 morts par an en 1972 à 3.477 par an en 2016. Il va de soi que la vitesse constitue un facteur aggravant de la dangerosité des chocs, mais cet argument ne suffit pas à épuiser le débat, ou alors il faut passer la vitesse maximale à 70 km / heure sur routes et 100 km / heure sur autoroutes. 

La réalité est que la vitesse n’est que l’un des facteurs de mortalité routière et que l’on pourrait envisager de lutter plus sérieusement contre l’alcool au volant, contre la conduite sous l’emprise de stupéfiants, contre les imprudences incroyables des cyclistes (qui semblent jouir d’une impunité totale) et des motards. Il faudrait aussi investir dans la qualité de la chaussée, très sérieusement dégradée en région parisienne et ailleurs en France.

Moins simple et moins visible que la réduction de la vitesse maximale sur route.

3/ Cette mesure trahit une conception verticale et centralisatrice du pouvoir. D’une part, il aurait été possible de ne réduire la vitesse que sur les portions de route le nécessitant véritablement sans passer par une mesure aussi générale. D’autre part, l’Etat aurait pu laisser les collectivités territoriales décider de la vitesse maximale sur les portions dans leur dépendance, mais elles ne sont visiblement pas considérées comme capables de décider d’un sujet aussi concret.

4/ Cette mesure constitue une preuve supplémentaire de l’acharnement formidable visant l’automobile et les automobilistes entre hausse de la fiscalité des carburants, multiplication des radars, renforcement formidable du contrôle technique : tout est fait pour inciter les automobilistes à vendre leur véhicule et à prendre les transports en commun.

On applaudirait des deux mains s’il existait des alternatives sérieuses à l’automobile.

Pourtant, force est de constater que, même en région parisienne, les transports en commun sont sujets à grèves, desservent mal les trajets banlieue/banlieue, et ne constituent pas une alternative parfaite à l’automobile. Il en va évidemment d’autant plus en province ou l’automobile est et restera indispensable.

L’hostilité gouvernementale à l’automobile et aux automobilistes est tellement irrationnelle que l’on finit par se demander si elle ne s’explique pas par un certain éloignement du gouvernement par rapport aux préoccupations quotidiennes des Français, interrogation qui pourrait s’expliquer par le constat du fait que 11 ministres ne possèdent pas d’automobile, et qu’il en va de même du président de la République et le premier ministre.

Me Xavier Chabeuf


06 juillet 2018