Manquement à l’obligation de formation : plus d’indemnisation automatique.
L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation et la formation des salariés à leur poste de travail. C’est le sens de l’article L. 6321-1 du code du travail, qui énonce que « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations (…) ».
La jurisprudence déduisait de ce texte que le salarié qui avait été laissé sans formation pendant une certaine durée pouvait prétendre à l’indemnisation du préjudice que lui avait nécessairement causé cette situation, sans avoir à étayer particulièrement sa demande autrement que par le fait objectif que son employeur ne lui avait pas fait suivre de formation.
Ainsi jugé « qu’ayant relevé que la salariée, qui était présente dans l’entreprise depuis sept ans n’avait bénéficié au cours de cette période d’aucun stage de formation continue, la cour d’appel a caractérisé un manquement de l’employeur à l’obligation de veiller au maintien de la capacité de la salariée à occuper un emploi » et a justifié l’octroi de 6.000 € à titre de dommages et intérêts (Cass. Soc., 7 mai 2014, N° 13-14749 ; Soc., 2 mars 2010, P. n° 09-40.914 ; Soc., 23 juin 2010, N° 09-41912 ; Cass. Soc., 28 septembre 2011, N°09-43339).
Le récent arrêt rendu le 3 mai 2018 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation (N°16-26.796) modifie cette approche en posant désormais que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation de ce chef, uniquement s’il démontre avoir subi un préjudice, lequel ne peut résulter simplement d’une absence de formation pendant une longue période.
En l’occurrence, se fondant sur l’ancienne jurisprudence, le salarié reprochait à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de l’obligation de formation alors qu’il n’avait bénéficié d’aucune formation professionnelle continue pendant ses 16 années d’emploi dans l’entreprise. Mais son pourvoi est rejeté au motif que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ; que la cour d’appel a estimé que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice résultant du non-respect par l’employeur de son obligation de formation ». En l’occurrence, la cour d’appel avait notamment relevé que le salarié n’avait pas indiqué les postes auxquels il aurait pu prétendre ou les formations qu’il avait demandées et qui lui auraient été refusées.
Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une évolution jurisprudentielle plus large tendant à bannir, en droit du travail, l’indemnisation automatique de certains manquements, pour revenir à une approche traditionnelle, obligeant celui qui réclame une indemnisation, à établir la consistance du préjudice qu’il a subi.
Me Manuel Dambrin
31 mai 2018