Balance ton short !
Le salarié est, en principe, libre de se vêtir à sa guise. L’employeur peut néanmoins imposer des contraintes vestimentaires notamment pour des questions d’hygiène et de sécurité (chaussures de sécurité ou blouse de travail par exemple) ou en raison du contact que le salarié peut avoir avec la clientèle (port d’un uniforme distinctif).
Selon la formule consacrée, ces limites apportées à la liberté vestimentaire doivent être « justifiées par la nature de la tâche à accomplir [et] proportionnées au but recherché » (art. L1121-1 du code du travail).
Le juge apprécie au cas par cas si les restrictions apportées à la liberté de se vêtir des salariés sont légitimes en fonction du contexte. La « tenue correcte exigée » n’est pas la même dans tous les milieux professionnels.
Il a ainsi pu être exigé d’un veilleur de nuit d’hôtel, qu’il porte une cravate (CA Paris 18 janvier 1991, 22e ch. B), d’une secrétaire au sein d’une agence immobilière, qu’elle ne se présente pas au travail en survêtement (cass. soc. 6 novembre 2001, n° 99-43988) ou d’une autre qu’elle ne vienne pas vêtue d’un chemisier transparent sans soutien-gorge, sa tenue suggestive pouvant susciter un trouble dans l’entreprise (cass. soc. 22 juillet 1986, n° 82-43824).
En revanche, ni le fait de porter des vêtements moulants, ni de simples négligences vestimentaires (cass. soc. 24 janvier 1991, n° 89-40761 D) ne peuvent être reprochés à un salarié.
De la même façon, l’employeur peut imposer une apparence physique à la stricte condition que cette exigence soit justifiée, proportionnée et non discriminatoire. Les juges ont ainsi admis qu’un pâtissier devait se couper les cheveux qu’il portait longs et sales ou les dissimuler sous une coiffe, cette restriction à sa liberté répondant à des impératifs d’hygiène (CA Paris 28 mars 1989, 22e ch. A).
À l’inverse, l’employeur ne peut pas imposer à un salarié n’ayant pas de contact avec la clientèle de ne pas porter la barbe (CA Nîmes 14 mai 1996, ch. soc.).
De même, l’employeur prend une décision discriminatoire en interdisant à un serveur de porter une boucle d’oreille, même s’il fait valoir « que son restaurant gastronomique recevait une clientèle attirée par sa réputation de marque, laquelle impose une tenue sobre du personnel en salle, que le salarié était au contact direct de cette clientèle et qu’ainsi le port de boucles d’oreilles pendant la durée du service était incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail ». La lettre de licenciement énonçant que « votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d’oreilles sur l’homme que vous êtes », c’est l’apparence physique du salarié rapportée à son sexe qui était sanctionnée, l’employeur ne justifiant pas sa décision de lui imposer d’enlever ses boucles d’oreilles par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (cass. soc. 11 janvier 2012, n° 10-28213, BC V n° 12).
L’employeur peut inscrire dans le règlement intérieur les règles relatives à la tenue vestimentaire dans l’entreprise sachant que les restrictions apportées à la liberté de se vêtir doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché. Par exemple, une clause imposant à tous de porter un uniforme sans aucune raison objective ou interdisant de porter tout badge et tout insigne serait disproportionnée, de même qu’une clause imposant le port d’une tenue vestimentaire, d’une coiffure ou le maquillage pour des raisons d’ordre purement esthétique serait illicite.
L’importance du règlement intérieur doit être souligné dans la mesure où faire des reproches à un salarié sur sa tenue vestimentaire suppose d’avoir, au préalable, défini la tenue exigée et inscrit cette règle dans son règlement intérieur ou dans le contrat de travail.
Me Manuel DAMBRIN
15 janvier 2018