Le droit à l’emploi n’est pas un droit fondamental
En principe, le salarié dont le licenciement est remis en cause par le juge ne peut prétendre qu’à une réparation de nature indemnitaire (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse). Il ne peut obtenir sa réintégration dans l’entreprise, que dans deux hypothèses : lorsqu’un texte de loi le prévoit (par exemple en cas de licenciement discriminatoire ou consécutif à des agissements de harcèlement moral ou sexuel) ou lorsqu’une liberté fondamentale du salarié a été violée. Ainsi en est-il du licenciement prononcé en raison d’un témoignage en justice qui viole la liberté fondamentale de témoigner en justice (Cass. soc., 29 oct. 2013, n° 12-22.447) ou encore du prononcé en raison d’une action en justice intentée par le salarié, qui viole la liberté fondamentale d’ester en justice (Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-18.600, Cass. soc., 8 févr. 2017, n° 15-28.085). La liste est longue, allant de la liberté d’expression, au droit au repos en passant par le droit à la vie privée.
La cour d’appel de Rennes a appliqué ces règles jurisprudentielles à un cas de rupture d’un contrat de travail temporaire requalifié en CDI. Dans cette affaire, un technicien informatique avait été mis à la disposition d’une entreprise dans le cadre d’une série de missions conclues en raison d’un accroissement temporaire d’activité. Constatant la violation de certaines dispositions restreignant le recours au travail temporaire, le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes en référé, avant que sa dernière mission ne s’achève. Il souhaitait obtenir la requalification de ses contrats de mission en CDI, et obtenir la poursuite de la relation contractuelle avec l’entreprise.
La cour d’appel a fait droit à cette demande en affirmant que le maintien dans l’emploi, suite à la violation des dispositions relatives aux conditions restrictives de recours au travail temporaire constituait une liberté fondamentale.
Ce raisonnement est cependant censuré par la Cour de cassation, qui affirme que « le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au-delà du terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée« , alors pourtant que ce droit est visé par le 5e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Ainsi, un justiciable ne peut pas invoquer directement dans le cadre d’un litige une violation de son droit à l’emploi.
La Cour de cassation affirmait déjà que, lorsqu’un CDD expiré est requalifié en CDI, l’employeur qui ne fournit plus de travail et ne paye plus les salaires est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement. Le salarié ne peut pas exiger sa réintégration dans l’entreprise, puisqu’aucun texte de loi ne le prévoit et qu’aucune liberté fondamentale n’a été violée (Cass. soc., 30 oct. 2002, n° 00-45.608, Cass. soc., 30 oct. 2013, n° 12-21.205).
Me Manuel DAMBRIN
23 novembre 2017