Le nouveau périmètre d’appréciation de la cause économique


L’ordonnance portant réforme du Code du travail relative à « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » prévoit de fixer au niveau national le périmètre d’appréciation du motif économique lorsque le licenciement est prononcé par une entreprise appartenant à un groupe de dimension internationale.


Ce serait une petite révolution dans le contentieux du licenciement économique ! En effet, actuellement, l’un des arguments privilégiés – car l’un des plus efficaces – des salariés licenciés par la filiale française d’une multinationale pour contester leur licenciement économique consiste à soutenir que le motif économique n’est pas caractérisé au niveau mondial. Schématiquement, si la société française qui procède au licenciement accuse des pertes abyssales mais que la succursale allemande ou la filiale japonaise réalise des bénéfices, le licenciement opéré en France n’est pas justifié et ouvre droit à des dommages et intérêts.


Le nouvel article L.1233-3 du code du travail énoncerait : « Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude » (art. 18 de l’ordonnance).
Cette limitation de l’appréciation du motif économique comporterait cependant une exception qui tient dans les deux derniers mots du texte : « sauf fraude ». Comme dit l’adage, « Fraus omnia corrumpit » (la fraude corrompt tout, pour ceux qui ont séché les cours de latin).


Autrement dit, le juge pourra continuer à contrôler les éventuels abus de droit ; il aura toujours la possibilité de conclure à l’absence de motif économique s’il lui apparaît, au besoin après avoir diligenté une expertise, que le groupe a artificiellement concentré les difficultés économiques sur les établissements français pour leur faire supporter les suppressions d’effectifs.
 

Me Manuel Dambrin


10 septembre 2017