Le plafonnement des « indemnités prud’homales » ou la grande (dés)illusion


Avec la hardiesse qui la caractérise, la presse ressasse à l’envi l’une des mesures phares des ordonnances portant réforme du code du travail : le plafonnement des « indemnités prud’homales ».

Or, la notion d’« indemnités prud’homales » n’existe pas dans notre droit ; elle n’existait pas avant la réforme et elle n’existe toujours pas avec celle-ci.

Les indemnités susceptibles d’être allouées par le juge prud’homal sont multiples et le plafonnement prévu par l’article 2 de l’« ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail » ne concerne en réalité que l’une d’entre elles : l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail.

Cette indemnité a un objet circonscrit : elle a vocation à réparer le préjudice résultant de la perte d’emploi lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. Son montant était jusqu’alors souverainement appréciée par le juge en fonction de critères tels quel l’âge, l’ancienneté, ou les difficultés pour retrouver un emploi (durée d’indemnisation Pôle emploi).

Désormais, le juge ne pourra plus allouer un montant supérieur à celui prévu par le nouvel article L.1235-3 qui instaure un barème d’indemnisation allant de 1 à 20 mois de salaire en fonction de l’ancienneté (un tel barème existait déjà sous l’article R.1235-22 mais n’avait pas de caractère contraignant pour le juge).

Le juge conserve en revanche toute liberté – et gageons qu’il en usera – pour allouer d’autres indemnités, réparant d’autres chefs de préjudice que celui résultant de la perte d’emploi.

 Le nouveau texte, lui-même, réserve plusieurs hypothèses échappant à l’emprise du barème (cas de harcèlement, de discrimination ou d’atteinte à une liberté fondamentale, vaste programme…). Au-delà de ces cas de figure, rien n’interdit au juge d’allouer des dommages et intérêts pour indemniser d’autres préjudices, plus ou moins caractérisés, tels de que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, légèreté blâmable, licenciement brutal ou vexatoire, dommages et intérêts pour atteinte à l’état de santé, préjudice moral, etc…).

Autrement dit, il est vraisemblable que les juges, voyant ainsi leurs prérogatives restreintes, s’emploieront à maintenir, in fine, les indemnisations allouées à un niveau qu’ils estimeront juste.

Me Manuel DAMBRIN


06 septembre 2017