Différé et fractionnement des droits de succession : encore un instant Monsieur le Bourreau !


Les droits de succession applicables en France sont d’un montant significatif.

Au-delà d’un abattement de 100.000 € entre parents et enfants, les droits vont de 5 à 45 %.

Entre frères et sœurs, au-delà d’un abattement de 15.932 €, la succession est taxée au taux de 35 % entre 0 € et 24.430 €, puis à 45 % au-delà.

Quant aux droits à acquitter entre parents jusqu’au 4ème degré inclus, les abattements sont encore réduits à hauteur de 7.967 € (neveu et nièce), voire 1.594 € (tous les autres parents) : le taux d’imposition est alors unique, de 55 %.

Au-delà du 4ème degré, les droits de succession sont de 60 %.

Autant dire que le paiement des droits de succession est parfois difficile, compte tenu des montants réclamés.

Il en va d’autant plus ainsi dans deux cas de figures :

–         Lorsque les héritiers se voient attribuer la seule nue-propriété des biens, l’usufruit étant réservé à un autre héritier (le conjoint survivant le plus souvent) et où les héritiers doivent acquitter des droits sur un  bien dont ils n’ont pas jouissance et dont ils ne peuvent pas disposer ;

–          Lorsque, en raison d’un différend entre héritiers, les opérations de liquidation et partage de la succession ne sont pas réglées lorsque les droits de succession doivent être acquittés. Les cas de contentieux successoraux durant plusieurs années sont fréquents.

Dans ces conditions, il est essentiel que les héritiers puissent bénéficier d’un différé de paiement des droits de succession, de manière à pouvoir les acquitter lorsqu’ils auront véritablement perçu le produit de leur héritage.

Cette possibilité est prévue par l’article 1722 bis du Code général des impôts et les articles  397 et 404 B de l’annexe III du même Code.

Le paiement différé ne peut porter que sur la fraction de droits correspondant :

 –     soit à la valeur imposable de la nue-propriété s’il s’agit d’une succession comportant une dévolution de cette nature ;

–   soit aux soultes ou récompenses payables à terme au redevable s’il s’agit d’une succession qui donne lieu à l’attribution préférentielle de certains biens prévue à l’article 832 du code civil [exploitations agricoles] ou à la réduction de libéralités portant sur un bien pouvant faire l’objet d’une telle attribution prévue à l’article 924-3 du code civil.

Cette solution est donc a priori exclue en matière de contentieux successoral.

Le paiement des droits peut être différé jusqu’à l’expiration d’un délai qui ne peut excéder six mois à partir :

–     soit de la date de la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière ;

–     soit du terme du délai imparti à l’attributaire, le légataire ou le donataire pour le paiement des sommes dont il est débiteur envers ses cohéritiers.

En contrepartie du différé de paiement, des intérêts doivent être acquittés par l’héritier.

La dispense du paiement des intérêts est cependant possible en cas de dévolution de biens en nue-propriété, à la condition que les droits de mutation par décès soient assis sur la valeur imposable au jour de l’ouverture de la succession de la propriété entière des biens qu’il a recueillis.

Il s’agit donc de faire un calcul sur la solution la plus avantageuse au moment d’opter pour la dispense du paiement des intérêts.

Outre le paiement différé, il est également possible de solliciter le paiement fractionné des droits de successions mais, là encore, des conditions sont posées par le Code général des impôts (articles 396 398, 399, 402, 403, 404 de l’annexe III du Code général des impôts)

En principe, les versements, à intervalle de six mois au plus, ne peuvent être supérieurs à trois, et ne peuvent être étalés sur plus d’un an. Le premier versement a lieu en même temps que le dépôt de la déclaration de succession.

La demande de crédit différé ou fractionné doit être expressément formulée au pied de la déclaration de succession, ou dans un document y annexé.

Elle doit contenir une offre de garanties suffisantes, le fisc refusant de prendre le risque de ne pas être payé.

Tous types de garantie peuvent être proposées au comptable public (BOI-ENR-DG-50-20-40-20160203, p. 6) : notamment des sûretés réelles d’une valeur au moins égale au montant des sommes au paiement desquelles il est sursis, une caution personnelle, une hypothèque sur les immeubles de la succession.

Les garanties doivent être constituées dans un délai de quatre mois à compter de la date de la demande d’admission au crédit.

En cas de non-respect de ce délai, le redevable est déchu du bénéfice du crédit (Article 403 de l’annexe III ; Cass. Com., 9 octobre 2007, Bull. Civ. IV, n° 213, P. n° 05-14.142).

La constitution de garanties est donc une condition impérative du bénéfice d’un crédit de paiement différé ou fractionné.

Le taux d’intérêt exigé en contrepartie du crédit est égal à celui du taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux fixe aux particuliers entrant dans le champ d’application des articles L. 312-1 à L. 312-36 du Code de la consommation, au cours du quatrième trimestre de l’année précédant celle de la demande de paiement fractionné ou différé, réduit d’un tiers.

Le taux en question pour le quatrième trimestre 2016 s’élevait à 2,53 % (Avis du 27 décembre 2016 : ECFT1637967V).

Me Xavier Chabeuf


30 mai 2017