Un motif de licenciement peut en cacher un autre


Même en présence d’un contexte économique difficile, le juge doit vérifier que le licenciement pour motif économique ne dissimule pas un licenciement pour motif personnel, en l’occurrence un licenciement motivé par l’état de santé du salarié, comme tel illicite.

Il est impossible de licencier un salarié en raison de critères discriminatoires prohibés, au rang desquels figure l’état de santé (Art. L. 1132-1 du code du travail). Un tel licenciement serait entaché de nullité.

Il est rare que la lettre de licenciement se fonde officiellement sur l’état de santé du salarié pour justifier le licenciement et il incombe donc au salarié soucieux de démontrer que son licenciement repose sur ce motif inavouable, de présenter des éléments laissant supposer l’existence de la discrimination qu’il invoque (c. trav. art. L. 1134-1).

Le juge doit apprécier ces éléments et, s’il estime qu’ils laissent effectivement supposer l’existence d’une discrimination, il appartient alors à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans l’affaire qui illustre ce mécanisme probatoire en deux temps, un salarié, directeur administratif et financier, avait été licencié pour motif économique à son retour d’arrêt de travail pour cause de maladie.

Il est vrai que le contexte concourait à la démonstration d’un motif économique : l’entreprise était déficitaire au cours des deux derniers exercices comptables, le chiffre d’affaires était en baisse significative depuis trois ans et le salarié n’avait pas été remplacé, ses attributions ayant été regroupées et réattribuées.

Cette apparence conduisit la Cour d’appel à retenir le bien fondé du licenciement économique, comme reposant sur une réorganisation intervenue pendant l’arrêt maladie et non sur l’état de santé du salarié.

Conclusion hâtive selon la Cour de cassation qui censure cette décision.

En effet, tandis que le salarié produisait des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination liée à son état de santé (en l’occurrence, le fait que l’employeur lui avait imposé de solder ses congés à son retour d’arrêt maladie, que ses outils de travail et son bureau n’étaient plus disponibles à son retour et qu’il était le seul cadre à avoir été licencié au titre de la restructuration opérée par l’employeur), l’employeur n’avait pas établi que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (Cass. soc. 10 juillet 2024, n° 22-16805).

Me Manuel Dambrin


04 janvier 2025