Quand les cotisations partent en voyage : un détachement qui déraille

Le niveau élevé des charges sociales en France incite certaines entreprises internationales disposant de filiales situées dans des pays où les prélèvements sociaux sont nettement moindres à faire embaucher leurs cadres de haut niveau par ces filiales, puis à les mettre à disposition d’une société française du groupe dans le cadre d’un « détachement ». Cette pratique permet de réaliser d’importantes économies de cotisations sociales, celles-ci étant payées dans le pays constituant la « base du détachement ».
L’illustration de ce schéma d’optimisation nous est donnée par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 février 2025 (Chambre sociale, n° 23-13.503).
Dans cette affaire, la filiale turque du groupe UNILEVER a embauché l’un de ses ressortissants puis, sous couvert d’une « lettre d’affectation internationale », l’a détaché auprès de la société UNILEVER FRANCE, sise à Rueil-Malmaison (92), en tant que « Directeur Administratif et Financier ».
Les cotisations sociales étaient payées par la société turque au régime de sécurité sociale turc et refacturées à la société française, pour un coût bien inférieur à celui qu’auraient représenté les cotisations sociales en France.
Ayant vu par la suite son contrat rompu par la société turque, son employeur officiel, notre Directeur Administratif et Financier a voulu faire reconnaître la qualité d’employeur à la société d’accueil UNILEVER FRANCE et établir le caractère fictif de son détachement, mais il a été débouté par la Cour d’appel de Versailles, qui a jugé que l’employeur était la société turque.
À tort, selon la Cour de cassation. En effet, cette dernière a estimé que la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision, dès lors qu’elle avait constaté l’existence d’une apparence de contrat de travail avec la société UNILEVER FRANCE et que cette dernière ne démontrait pas l’absence de lien de subordination avec le collaborateur.
Me Manuel Dambrin
05 février 2025