Quand l’arnaque au président mène au licenciement … abusif
L’arnaque au président est une escroquerie sophistiquée visant principalement les entreprises. Elle consiste à usurper l’identité d’un dirigeant (souvent le président ou le directeur financier) afin de convaincre un employé, généralement un responsable comptable, d’effectuer un virement frauduleux vers un compte contrôlé par les escrocs.
La décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 20 juin 2024 (N° RG 21/09789) en donne l’exemple.
Dans cette affaire, la responsable comptable de l’entreprise avait reçu un e-mail d’un escroc se faisant passer pour le président de la société. Ce courriel lui demandait d’effectuer un virement vers une société chinoise. Convaincue, après divers échanges, de la légitimité de la demande, la salariée avait initié les mouvements de fonds, lesquels furent finalement bloqués par la banque.
Cependant, la responsable comptable fut mise à pied à titre conservatoire, puis licenciée pour faute grave. Elle contesta ce licenciement et saisit le Conseil de prud’hommes de Paris, qui la débouta de ses demandes.
Elle fit alors appel en soutenant avoir été victime d’une manipulation psychologique et en soulignant l’absence de procédures internes de prévention contre ce type de fraude au sein de l’entreprise.
La société soutenait de son côté que sa salariée avait fait preuve d’un manque flagrant de vigilance et d’une négligence professionnelle grave, estimant qu’elle aurait dû repérer plusieurs indices suspects (demande inhabituelle, fautes d’orthographe, absence de justificatifs, adresse e-mail douteuse, etc.).
La cour d’appel jugea que la faute grave n’était pas caractérisée et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cette décision illustre l’importance, pour les employeurs, de mettre en place des protocoles de sécurité robustes afin de prévenir les fraudes, ainsi que la nécessité d’une analyse contextuelle des erreurs commises par les salariés avant de les sanctionner sévèrement.
Me Manuel Dambrin
15 février 2025