Quand l’architecte indépendant ne l’est pas vraiment, la justice refait les plans !


La Cour d’appel de Paris a rendu une décision importante le 27 novembre 2024 (N° RG 22/03577) dans une affaire opposant un architecte indépendant défendu par le cabinet, à son donneur d’ordre, la société AREP, filiale de la SNCF.

L’intéressé avait collaboré avec cette entreprise entre 2017 et 2019, dans le cadre de plusieurs contrats de prestation de services, dont le dernier n’avait pas été renouvelé.

Estimant qu’il avait travaillé comme « salarié déguisé » et que la fin de sa collaboration s’analysait donc en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le prestataire avait saisi le Conseil de prud’hommes pour faire requalifier ses contrats de prestation en contrat de travail.

Il arguait pour ce faire des critères qui sont l’apanage du contrat de travail :

✅ Il travaillait dans les locaux de la société et utilisait son matériel,

✅ Il recevait des instructions et des ordres de la part de responsables,

✅ Ses congés devaient être validés,

✅ Il devait justifier son temps de travail via un logiciel interne,

✅ Il dépendait économiquement de cette seule entreprise.

La société AREP, pour sa part, contestait ces affirmations, indiquant que son prestataire était libre de son emploi du temps et qu’il fixait lui-même sa rémunération. Elle soutenait également qu’il avait opté pour ce statut pour en tirer des avantages financiers.

Après une première décision défavorable en 2021 devant le Conseil de prud’hommes, l’architecte fit appel. La Cour d’appel lui donna raison, estimant que la relation de travail relevait bien d’un contrat de travail, en retenant principalement :

🔹L’existence d’un lien de subordination, prouvé par les ordres reçus et le contrôle de son travail.
🔹Une rémunération fixe, proche de celle d’un salarié, sans véritable autonomie dans la fixation des prix.

🔹L’intégration complète du prestataire dans l’organisation de l’entreprise.

En conséquence, la Cour d’appel condamna la société à payer à son collaborateur, outre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, une indemnité de 6 mois de salaire pour travail dissimulé.

Cette affaire illustre la pratique courante qui consiste, dans certains secteurs, à recourir à des indépendants pour contourner les obligations du salariat (cotisations sociales, protection, préavis, etc.). Attention dans ce cas à ne pas se faire rattraper par la justice.

Me Manuel Dambrin


23 février 2025