Créances entre époux séparés de biens : attention à la prescription


Dans le cadre d’un régime de séparation de biens, la vie quotidienne des époux est rarement conforme au régime matrimonial, sans doute parce qu’il est inévitable que, dans l’organisation de la vie du foyer, les époux fassent des dépenses dont les deux époux bénéficient.

On observer alors des transferts du patrimoine de l’un des époux à l’autre, qui, dans la logique du régime séparatiste, appellent remboursement de la créance ainsi constituée.

Ces transferts peuvent être significatifs lorsque, comme c’est fréquent chez les époux séparés de biens, la situation patrimoniale des époux diverge fortement : lorsqu’un des deux époux est plus fortuné que l’autre, le train de vie du foyer s’aligne généralement sur celui de l’époux le mieux doté, de telle sorte qu’une dette du moins doté envers son époux ne cesse de croître au fil des ans.

Il en va d’autant plus ainsi lorsque les époux achètent des biens, notamment immobiliers, en indivision.

Tant que les époux s’entendent, cela ne pose évidemment aucun problème, mais lorsqu’ils se séparent, l’époux le plus fortuné est tenté de réclamer ce qu’il a versé « en trop » au cours des années de mariage, au-delà de la contribution aux charges du mariage.

Il résulte de l’article 2236 du code civil que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, de telle sorte, et c’est heureux, que les époux peuvent faire valoir leurs créances au moment du divorce, sans que l’on puisse leur reprocher de ne pas l’avoir fait pendant la durée du mariage (ce qui ne contribue pas à instaurer une bonne ambiance, n’est-ce pas ?).

La question se pose de savoir jusqu’à quand, à compter du prononcé du divorce, les créances entre époux séparés de biens peuvent être invoquées.

La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 18 mai 2022 (n° 20-20.725), en précisant que le délai de prescription applicable était le délai de prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil, soit cinq ans.

Quant au point de départ de ce délai, il ne s’agit ni du moment où la créance est née (puisque les créances entre époux sont suspendues pendant la durée du mariage), ni du moment où les comptes sont faits entre les parties, qui peut intervenir bien longtemps après le prononcé du divorce lorsque la séparation est particulièrement contentieuse.

Le point de départ du délai de prescription de cinq ans est la date à laquelle le divorce est devenu définitif.

Il est donc de la première importance que l’époux créancier ne se laisse pas entraîner par la longueur du contentieux ou par l’enlisement potentiel de la procédure de liquidation de l’indivision : il doit faire valoir ses créances entre époux soit pendant la durée du mariage, soit dans un délai de cinq années suivant le prononcé du divorce, car après il ne pourra plus le faire.


27 novembre 2022