Le plafonnement des « indemnités prud’homales » prend un coup au moral…!


Le plafonnement des « indemnités prud’homales » résultant du barème qui a été l’une des mesures phare de la récente réforme du droit du travail incite les plaideurs à diversifier les causes de leurs préjudices pour parvenir à une meilleure indemnisation.

Il faut bien voir en effet que la notion d’« indemnités prud’homales » est un raccourcis journalistique qui ne trouve aucun écho dans le code du travail et que le barème dont il est question ne concerne que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail, c’est-à-dire l’indemnité censée indemniser le préjudice résultant de la perte de l’emploi et aucun autre.

La loi réserve déjà les cas de harcèlement, de discrimination, ou d’atteinte à une liberté fondamentale, qui sont indemnisés hors barème.

Mais au-delà de ces exclusions légales, rien n’interdit au justiciable d’invoquer d’autres chefs de préjudices pour tenter d’obtenir globalement une meilleure indemnisation que celle résultant du seul barème.

Parmi ces derniers, figure en bonne place le fameux préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de la rupture : un salarié qui estime avoir été licencié dans des conditions brutales ou vexatoires peut demander en justice des dommages-intérêts. Il s’agit alors d’indemniser un préjudice distinct de celui résultant de la perte d’emploi, à telle enseigne que de tels dommages-intérêts peuvent être alloués même si le licenciement est justifié et n’ouvre droit, quant à lui, à aucune indemnité (Cass. Soc. 22 juin 2016, n° 14-15171).

Une telle demande échappe au barème de l’article L.1235-3 du code du travail.

Ont ainsi pu être indemnisés : « un contexte de pressions et de propos déplacés de la part de l’employeur » (Cass. Soc., 18 mai 2017, n° 15-27555), le fait que « la rupture du contrat de travail était intervenue alors que le salarié, cadre dirigeant, avait auparavant été gratifié d’une prime exceptionnelle pour son action, révélant une situation vexatoire et humiliante » (Cass. Soc., 9 mars 2016, n°14-20175), ou encore le fait que « la lettre de licenciement avait été signée pour ordre par une secrétaire hiérarchiquement subordonnée » au salarié licencié, « cette seule circonstance conférant au licenciement un caractère vexatoire » (Cass. Soc., 28 octobre 2002, n° 00-44548).

Il est assez prévisible que les juges eux-mêmes, auront tendance à assouplir les conditions d’admission de tels préjudices distincts pour atténuer (contourner ?) les effets d’un barème que la loi leur impose.

Me Manuel Dambrin


06 mai 2018