Bien mal acquis… peut profiter au salarié licencié !
Il est tentant pour le salarié licencié ou en passe de l’être, de photocopier ou de s’approprier des documents appartenant à l’entreprise pour alimenter une procédure prud’homale et combattre les motifs de son licenciement, ou même se préconstituer des preuves avant tout litige déclaré : notes, mails, courriers, fichiers, bulletins de paie, données nominatives pouvant être couvertes par le secret professionnel, des affaires ou médical, etc… .
En principe cette appropriation est illégale et l’employeur qui constaterait que des documents lui appartenant ont disparu ou sont produits en justice, serait fondé à en réclamer la restitution et à porter plainte.
Mais le droit de propriété ou encore celui du secret des correspondances ou des affaires se heurtent ici aux droits de la défense du salarié.
La jurisprudence admet que la production en justice de documents, ou de copies, appartenant à l’entreprise dont le salarié a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions ne constitue pas un vol, pour autant que leur production dans le litige prud’homal soit strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense du salarié.
Deux conditions doivent donc être remplies pour que l’utilisation de ces documents soit possible :
– Le salarié doit démontrer avoir obtenu les documents en cause dans l’exercice de ses fonctions ;
– Le salarié doit démontrer que ces documents étaient strictement nécessaires à l’exercice de sa défense.
La mise en œuvre de la première condition peut être illustrée par un récent arrêt de la Cour de ROUEN en date du 8 mars 2018 (n° 16/05635). Dans l’affaire qui a donné lieu à cette décision, la salariée, licenciée pour motif économique, avait versé aux débats un document interne comportant différentes alternatives de réorganisation de l’entreprise sur lequel figurait l’indication « Document strictement confidentiel ». L’employeur soutenait sans être contredit que ce document était réservé exclusivement à la Direction de la société et n’avait jamais été communiqué, ni aux représentants du personnel, ni à aucun autre salarié, ce dont les juges ont déduit que « faute pour la salariée d’établir qu’elle a eu connaissance de ce document à l’occasion de ses fonctions » il devait être écarté des débats.
Pour ce qui est de la seconde condition, le salarié devra démontrer le caractère utile des documents qu’il produit, c’est-à-dire établir un lien étroit et précis entre le(s) document(s) et le litige l’opposant à son employeur. S’il échoue dans cette démonstration, l’irrecevabilité frappera les éléments de preuves provenant de ces documents, le juge pourra obliger le salarié à les restituer et à réparer le dommage éventuel subi par l’employeur.
Un exemple nous est donné par un arrêt de la Cour de Nîmes du 6 juin 2017 (n°15/05568) : une secrétaire licenciée pour motif économique, motifs pris de résultats d’exploitation négatifs, produisait aux débats, pour contester ce motif, des relevés de compte bancaire de l’entreprise et un courriel adressé à celle-ci par le cabinet d’expertise comptable. La Cour approuve cette production en relevant que l’appréhension de ces éléments, dont la salariée avait eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, étaient strictement nécessaires à l’exercice de sa défense.
Me Manuel Dambrin
06 avril 2018